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Le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg analyse les Interférences architecturales entre France et Allemagne de 1800 à 2000. Visite guidée d’une vaste exposition, complexe comme une cité aux multiples ramifications.
Depuis deux siècles, les échanges et influences sont considérables des deux côtés du Rhin. Pour évoquer ces dialogues architecturaux, les commissaires, Jean-Louis Cohen et Hartmut Frank, ont opté pour un terme utilisé en physique (on parle d’interférences entre deux champs magnétiques) rendant compte de la complexité des interactions. Selon Volker Ziegler, commissaire associé, « elles sont de l’ordre des échanges, effets de miroirs, contrastes ou des oppositions ».
Ces Interférences, ce sont deux capitales, Paris et Berlin, qui se regardent et apprennent l’une de l’autre au XIXe siècle (les principes haussmanniens, notamment, s’exporteront dans la cité allemande). Ce sont des architectes qui se forment dans l’un et l’autre pays, comme Franz Christian Gau, né à Cologne en 1790, qui choisira de faire sa carrière en France où il construira la première église néo-gothique parisienne, la basilique Sainte-Clothilde. Ce sont des “agents doubles”, des théoriciens de l’après Première Guerre mondiale qui contribuent à des publications des deux côtés du Rhin. Ce sont bien évidemment ces territoires sur lesquels interviennent des Allemands ou des Français, suite aux conflits. « De nos jours, ça se fait de manière très pacifique », plaisante Volker Ziegler qui rappelle que les modes d’enseignement se sont également exportés, citant, à partir du XIXe siècle « le modèle des Beaux-Arts et de Polytechnique qui vont rayonner en Allemagne ou l’influence du Bauhaus s’imposant dans les écoles d’architecture françaises ».
Découpée en chapitres d’une extrême densité, l’exposition est traversée de différents fils rouges transversaux. Un de ceux-ci pourrait être la ville de Strasbourg, présente dans chaque section, avec le plan dessiné sous le Reichsland Elsass-Lothringen ou les documents relatant le concours pour un Grand Strasbourg organisé pendant l’Occupation. Les projets architecturaux et urbanistiques durant les annexions ne se résument pas à la Neustadt strasbourgeoise (extension orchestrée par les autorités allemandes en 1871) ou à la construction de la gare de Metz (œuvre de l’architecte berlinois Jürgen Kröger inaugurée en 1908) et son quartier… Arrêtons-nous sur une série de dessins de Gérald Hanning – emblématique des débats et préoccupations de l’époque – réalisée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Mayence fait partie de la zone d’occupation française. Les illustrations didactiques sont là pour appuyer le projet de l’architecte en chef Marcel Lods, proposant une reconstruction de la ville bombardée. Jean-Louis Cohen décrit le programme ainsi : « Ignorant délibérément le problème du centre historique, Lods efface les tracés antérieurs de la ville nouvelle construite entre 1871 et 1914, pour mettre en place une grande composition orientée en fonction de l’éclairage solaire optimal. » Il s’agit d’un projet fonctionnaliste radical, un « combat de la lumière contre les ténèbres » illustré par des planches montrant, sur fond noir, la ville d’hier – avec ses habitats insalubres, ses rues étroites où sévit la tuberculose… – et, sur fond clair, la ville moderne et ses vertus – ses allées de circulation et ses immeubles hauts, entourés d’une verdure généreuse. C’est « caricatural », admet Volker Ziegler, mais cela prouve la foi que l’on avait alors en les principes de l’architecture moderne et la Charte d’Athènes. Le plan de Lods restera sur papier. Il connaitra des échos futurs, certes, mais ne verra jamais le jour, ayant rencontré de fortes oppositions auprès des Allemands, comme des Français… le conflit entre traditionalistes et modernistes traversant très largement les deux camps.
Pour étudier ces Interférences architecturales, l’exposition se construit en neuf sections thématiques et chronologiques : L’Aurore de l’âge industriel (1848-1870), Nationalisme et nouvelles urbanités (1870-1900), Occupations et reconstructions (1939-1949), etc. Elles embrasent des époques différentes, des événements marquants – la Guerre franco-prussienne de 1870, l’Occupation, la Guerre froide… –, des innovations importantes (l’architecture métallique, le béton armé, l’avènement des cités-jardins…) et quelque 400 documents très divers : plans, maquettes ou photographies appartenant à 80 prêteurs. Aussi riche et fouillée soit-elle, l’expo ne s’adresse pas seulement aux initiés : elle mêle des pièces originales, jamais trop techniques et hermétiques, d’une belle qualité esthétique. Certains plans éclipseraient presque les toiles de Léger ou Richter… À Strasbourg, au MAMCS, jusqu’au 21 juillet 03 88 23 31 31 – www.musees.strasbourg.eu À Francfort, au Deutsches Architekturmuseum, du 3 octobre au 12 janvier 2014 +49 (0)69 212 38844 – www.dam-online.de