Cinq questions à Daby Touré
Il aurait pu continuer à vivre au milieu des troupeaux en Mauritanie… Le sort en a voulu autrement et Daby Touré, en concert à Bischheim, est devenu un chanteur adepte d’une musique ancrée en Afrique et ouverte sur le monde.
La musique était-elle une évidence pour vous, sachant que votre père, membre du groupe Touré Kunda, a longtemps tenté de vous en éloigner ?
Mon père avait peur que son fils ne poursuive pas ses études et qu’il se perde dans la musique. C’est une passion depuis toujours et je m’y suis initié seul, prenant la guitare paternelle en cachette et en écoutant les disques et cassettes de mes oncles. Je leur dois la découverte de Chris de Burgh, Dire Straits, Beatles ou, surtout, de Police. J’ai grandi avec la musique traditionnelle et j’ai perçu tous ces groupes comme une révélation.
À l’âge de 18 ans, en 1989, vous quittez l’Afrique pour vous installer en France. Comment avez-vous vécu ce changement ?
Nous ne nous sommes pas exilés à cause des événements en Mauritanie comme c’est parfois raconté à mon sujet, sans doute pour enrober l’histoire… J’ai suivi mon père, qui devait retrouver ses frères du groupe Touré Kunda, car il voulait que j’étudie à ses côtés. J’avais déjà beaucoup bougé, en Mauritanie ou au Sénégal, et la France a été une étape de plus. Ça n’a pas été facile de laisser une partie de ma famille, de quitter des choses que j’avais construites, mais j’ai vite su m’adapter, me faire de nouveaux amis.
Certaines de vos chansons parlent des tensions en Afrique… Comment percevez-vous le climat social, notamment dans le Nord du Mali ?
Je vis ça très difficilement, évidemment, car j’ai de la famille au Mali. Ces perturbations existent depuis très longtemps. Le pouvoir de l’argent, les gouvernements, l’Occident qui a occupé cette zone géographique, la Libye déstabilisée… il ne s’agit pas uniquement d’une histoire de Touaregs, les causes sont multiples. Je constate qu’une région, où les gens ont toujours pratiqué l’Islam dans la paix, est aujourd’hui dans la tourmente et que toute une population de pauvres gens qui n’ont rien demandé à personne est en train de morfler !
C’est une réalité que vous décrivez dans vos chansons… Vous percevez-vous comme un photographe qui fait une sorte d’état des lieux ?
J’essaye de décrire ces choses mais avec un peu de poésie. Je raconte le monde dans sa cruauté comme dans sa beauté et cherche à parler de l’homme : ce qu’il est capable de faire en bien ou en mal. J’ai beaucoup voyagé et je me rends compte que nous ne sommes pas grand-chose sur terre. Souvent, je lève la tête vers les étoiles et me dis que l’homme n’est rien du tout. Je ne suis rien… je veux simplement profiter de la vie et faire ce que j’aime : de la musique.
Maxime Le Forestier et Oxmo Puccino interviennent sur Lang(u)age [1. Lang(u)age, nouvel album de Daby Touré, à paraître le 11 juin chez Polydor], votre nouvel album qui, encore une fois, mêle les genres et brouille les pistes. Peut-on dire que vous faites non pas de la musique du monde, mais de la musique mondiale ?
La vraie musique du monde, c’est le blues : des esclaves noirs jouant, aux États-Unis, un style qui se frottera à d’autres et que tout le monde jouera ! On voudrait me définir, me mettre dans une case… De la world ? De la chanson ? Qu’importe, je fais des expériences. Si des scientifiques de plusieurs nationalités travaillent ensemble, dira-t-on qu’ils font de la “science mondiale” ? Ils font des recherches et aboutissent à quelque chose. Depuis que je suis petit, on m’a appris à ne pas rester dans une seule culture, dans un seul domaine. J’ai toujours vécu avec des gens très différents de moi.
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