Cinq questions à… Nils Muižnieks
Depuis le début du mois d’avril, le letton Nils Muižnieks est le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. À la rencontre d’une institution non judiciaire indépendante élue par l’Assemblée parlementaire.
Comment êtes-vous arrivé au poste de Commissaire aux droits de l’homme ? Depuis plus de vingt ans, toute ma carrière est placée sous le signe de la défense des droits de l’homme, de la lutte contre la discrimination et pour la préservation des droits des minorités, que ce soit en Lettonie, où j’ai été ministre entre 2002 et 2004, ou dans le cadre du Conseil de l’Europe où je dirigeais, depuis 2010, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, un groupe d’experts de tous les pays membres chargé de dresser un état des lieux.
Comment définir le rôle du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ? Il comporte trois caractéristiques majeures : indépendance, impartialité et caractère non judiciaire, c’est-à-dire que je ne reçois pas de plaintes individuelles. Mon rôle est d’aider les gouvernements à gérer les problèmes liés aux droits de l’homme, mais mon équipe et moi – environ 25 personnes – travaillons aussi beaucoup avec tout le spectre des partenaires impliqués : médiateurs, associations de défense des droits de l’homme, organisations non gouvernementales… Mon but est de convaincre les autorités de faire quelque chose et d’attirer l’attention du public sur des problèmes cruciaux, tout en suggérant des solutions possibles. Il est primordial de contribuer à faire changer les choses.
Au-delà de ce rôle d’observateur et de prescripteur, avez-vous des pouvoirs judiciaires effectifs ? Le Commissaire est, je vous l’ai dit, une institution non judiciaire. Mon statut, devant la Cour européenne des droits de l’homme est cependant tout à fait particulier puisque je peux intervenir, sur invitation du Président de la Cour ou de ma propre initiative, en qualité de tierce partie et présenter des observations pour éclairer le juge sur certains aspects de la situation propres au litige.
Quel sera l’axe central de votre mandat ? Il est prioritaire de s’intéresser à l’influence de la crise sur les droits de l’homme. En effet, l’austérité budgétaire a affecté de manière disproportionnée les droits des groupes les plus vulnérables : les enfants, les personnes âgées, les handicapés, les immigrés, les réfugiés… La crise a aussi des conséquences profondes sur les structures nationales de protection des droits de l’homme avec des coupes sombres dans les budgets. Malheureusement, je pense que les six ans de mon mandat ne suffiront pas à faire le tour de cette problématique qui touche également des domaines variés comme les prisons, l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme…
Quelles autres problématiques vont-elles vous occuper dans les années à venir ? Il y en aura deux : la situation des Roms, tout d’abord, qui représentent sans aucun doute la population la plus précaire du continent, le lien entre droits de l’homme et nouvelles technologies ou réseaux sociaux, ensuite. Ces évolutions posent des questions inédites : existe-t-il un droit d’accès à Internet ? Quelles sont les conséquences pour la vie privée de Facebook ? Les “citoyens journalistes” ont-ils les mêmes responsabilités que des professionnels ? Il est crucial de réfléchir très rapidement à ces interrogations essentielles.