Chic planète
Une belle dose d’imagination, un soupçon d’enfance, une pincée de préoccupations écolos et un travail sur les formes et les mots : voilà le secret de La Boule verte qui roule depuis quelques années grâce au talent de Christina Stein.
Si elle est formellement née en 2007, La Boule verte tournicotait dans la tête de sa créatrice depuis quelques années déjà : « C’était comme une crise de la quarantaine… avant la quarantaine » résume Christina Stein. Il est vrai qu’a priori rien ne destinait cette Allemande résidant à Strasbourg au design : « Je n’avais aucune formation dans le domaine. » Ses études ? Sciences politiques à Fribourg. Son job depuis 1995 ? Journaliste free lance, elle traitait l’activité culturelle et politique alsacienne pour des journaux et des radios du pays de Bade. Désormais, cette autodidacte complète est aussi « créatrice d’objets », une vocation embrassée tout naturellement : « J’ai besoin de changer d’activité tous les dix ans », affirme-t-elle dans un éclat de rire.
Les mots
À dix ans Christina dessinait, découpait, coloriait et créait des “jeux utilitaires” pour sa mère : « Elle ne savait jamais quoi cuisiner, alors j’ai imaginé un plateau avec six trous. Dans chacun se trouvait une recette. Il suffisait de lancer un dé pour savoir laquelle faire. Évidemment, il n’y avait que des plats que j’aimais, comme des spaghettis bolognaise. » De son enfance, elle a gardé l’envie d’imaginer des choses à la fois ludiques et fonctionnelles : « Un objet doit être pratique et faire réfléchir ou rire – et pourquoi pas les deux ? – celui qui s’en empare. Le beau pour le beau, complètement gratuit, ne m’intéresse pas ». Est ainsi né un Escargot tout chaud : si la référence à une comptine célèbre est évidente, l’objet ne tombe pas, pour autant, dans un gnangnan régressif. Il s’agit plutôt d’un amical clin d’œil à l’enfance qui constitue le dénominateur commun des objets estampillés La Boule verte. En témoigne cet Escargot…, un bougeoir de table d’une cinquantaine de centimètres de diamètre rassemblant vingt bougies chauffe-plat et permettant d’éclairer toute une pièce. Une phrase évoquant le tourbillon de la vie y est gravée : pour résoudre les problèmes techniques posés par l’objet, il a fallu faire appel à un menuisier de haut vol que la créatrice a trouvé tout près de chez elle. C’est un credo pour elle : « produire localement et, donc, chercher des artisans pour réaliser mes idées en Alsace et de l’autre côté du Rhin est primordial. La Boule verte est une coopération franco-allemande ». Est-ce pour des raisons écolos que cette Boule est verte ? « Oui… Il s’agit d’un hommage à la planète bleue. » Les mots comme point de départ. Toujours. On le découvre dans Notre pain quotidien, une planche de bois et une série de six planchettes sur lesquelles on peut manger – « typisch deutsch » – gravées de slogans : être & paraître, rire & pleurer… Comme un résumé des sentiment contradictoires que l’on peut ressentir de manière concomitante dans l’existence.
Les formes
Christina aime les formes simples. Son minimalisme fonctionne cependant, éloigné de toute austérité rigide, car il demeure empreint de fraicheur. Et nous ne sommes guère surpris d’apprendre qu’un de ses référents artistiques majeurs se nomme Hans Arp (auquel elle rendra hommage dans une de ses futures créations, un vase flottant encore en gestation). Sa figure géométrique de prédilection est le cube. Elle l’a décliné… Unique, il se nomme Tube cube, un soliflore massif en forme d’invitation au jeu. Multiples, ces cubes forment Les Cinq continents : différentes couleurs de bois, différentes textures, différentes masses… Un vase comme un reflet de la diversité humaine : « Chacun est unique et peut faire sens tout seul. Mais ils sont tellement plus jolis ensemble. » Les arrêtes coupées, voilà Alea iacta est – « parce qu’il n’y a pas de “j” en latin » – trois cubes qui restituent la trajectoire d’un dé en train de rouler (le premier se tient sur une face, le deuxième sur un angle, le troisième sur une pointe) pour nous rappeler que « peu importe que l’on soit le dé ou celui qui le lance, seul le changement est éternel dans notre vie ». Dans cet autre vase, objet de “dé-design”, se trouve concentrée la philosophie, optimiste et joyeuse, qui irrigue toutes les inventions de Christina Stein.