Féérique en diable, La Flûte enchantée mise en scène par Anna Bernreitner à l’Opéra national de Lorraine, servie par une jolie distribution, séduit.
S’il est bien entendu que les voix constituent la substance de l’opéra, avouons notre joie devant une distribution homogène de très belle tenue où irradie Michael Nagl, génial Papageno, à la fois acteur accompli – qui joue intelligemment sur la corde de la lourdeur caractérisant son personnage – et chanteur au timbre d’une belle richesse et à la diction extrêmement précise. Papagena, son alter ego féminin, est incarnée avec joliesse par Anita Rosati. Rajoutez une exquise Reine de la nuit (qui ne craque aucune des contre-notes de son exigeante partie, véritable tube du classique), un Tamino à la semblance d’un jeune premier (Jack Swanson plein de délicatesse), un Monostatos brillant (Mark Omvlee) et une Pamina suave dont le rôle est tenu par la très mozartienne Christina Gansch qui fait merveille, malgré un vibrato parfois délicat. Dirigé avec souplesse par Bas Wiegers, l’Orchestre de l’Opéra national de Lorraine est l’écrin musical idéal d’une production mise en scène par Anna Bernreitner qui – comme Robert Carsen avant elle – a pris le parti d’une réconciliation finale générale. Voilà happy end qui clôt en toute beauté une jolie vision où se déploie une lecture au premier degré de l’œuvre, vue comme un roman d’aventures… qui a le double mérite de nous extraire de la morosité ambiante et de permettre au plus large public de jouir avec délices des rebondissements mozartiens dans un décor en carton pâte avec un château extraordinaire, une grotte mignonette, des éléments d’une fête foraine… On se croirait dans un cartoon ! Vous rajoutez des costumes burlesques et colorés et des animations vidéo supposées générer la peur, le maître mot du spectacle : « Peur du serpent qui menace Tamino dès le lever de rideau, peur de se retrouver perdu dans un pays étranger, peur d’être rejeté par une communauté, peur d’être abandonné par sa mère, peur de la mort… », affirme la metteuse en scène. Mais il s’agit d’une peur d’opérette où se croisent Disney (avec des références assumées au Livre de la jungle) et superproductions avec machinerie à l’ancienne voyant la Reine de la Nuit flotter dans un ciel d’orage. Un pur régal !
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