L’École supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg, l’École supérieure d’Art de Mulhouse et l’Académie supérieure de Musique de Strasbourg ne font plus qu’un depuis un an, réunis dans la Haute École des Arts du Rhin (HEAR). Entretien avec David Cascaro, son directeur, qui désire que se créent des passerelles et s’inventent de nouvelles pédagogies.
Quelle est votre définition d’une école d’art ? Une fabrique d’artistes ?
C’est l’endroit où l’on forme amateurs et professionnels. Nous sommes dans des secteurs qui ne préparent pas seulement à un métier, mais à une autonomie et à un regard sur le monde. Que ce soit en musique ou en arts plastiques, suivre une formation artistique supérieure permet souvent de formuler un vrai projet de vie. Ceci dit, ces écoles sont devenues une extension du monde professionnel et un lieu carrefour où énormément de gens passent : beaucoup des grands musiciens, artistes, designers ou graphistes y enseignent ou y sont invités. Elles sont aujourd’hui complètement imbriquées au monde de la création.
Diplômé en droit et docteur en sciences politiques, vous avez été directeur des publics au Palais de Tokyo avant de diriger Le Quai à Mulhouse, à partir de 2006. C’est un parcours atypique pour un directeur ?
Non car les écoles ont changé en devenant des établissements publics. Aujourd’hui, un directeur d’école d’art doit gérer des équipes importantes, collaborer avec les collectivités publiques (l’État, les Villes de Strasbourg et Mulhouse), générer des ressources nouvelles, cultiver les partenariats, etc.
Il y a moins d’artistes à la tête des écoles…
Il y a quarante ans, la majorité l’était, aujourd’hui, il y a moins de cinq artistes à la tête de la quarantaine d’écoles d’art. Ceci est dû à la part indéniable de gestion qui s’est accrue…
Mais on ne gère pas une école d’art comme un autre établissement, il faut être sensible à la chose artistique…
Bien sûr, l’art est un domaine qui déborde le champ professionnel et anime la plupart d’entre nous. Les enseignants étant majoritairement des artistes, il est important de se sentir en forte proximité avec leurs recherches, aussi variées soient-elles. Dans le domaine de la musique, il faut souligner que les directeurs sont encore tous des musiciens. Au-delà de ma passion constante pour les arts et la musique – j’ai très longtemps pratiqué le chant –, la question de l’éducation, de la transmission, a traversé toutes mes expériences professionnelles. Mon désir est encore vif de faire partager à d’autres mon goût pour l’art.
L’Ésad, Le Quai et l’enseignement supérieur du Conservatoire ont été regroupés en un seul EPCC. Selon vous, en quoi cette fusion “nécessaire” est-elle une bonne chose ?
Nous avons désormais la capacité et la responsabilité d’offrir des services de meilleure qualité aux étudiants. Jusqu’à présent Le Quai à Mulhouse ne bénéficiait pas d’une politique Erasmus. La fusion a ouvert cette possibilité. La HEAR offre aujourd’hui des partenariats internationaux avec 70 écoles de 26 pays différents. Autre grande nouveauté, les profs, le personnel et les étudiants de l’école sont associés au projet d’établissement au sein du Conseil d’administration où les grandes décisions sont votées. C’est un indice de démocratie ! Globalement, nous essayons de tirer le meilleur de chaque site pour le généraliser à l’échelle de la HEAR. Il faut rappeler que la HEAR est l’école d’art qui propose en France le plus de diplômes autour de nombreux ateliers en musique et en arts plastiques.
Décloisonnement et temps d’échange sont vos maîtres mots. Comment construire des passerelles entre les trois pôles ?
C’est une évidence pour certains domaines comme les arts sonores, où des profs sont très investis, à Strasbourg avec le labo Phonon, et à Mulhouse avec Sonic. Ils se réunissent autour de workshops et de séminaires partagés. Il y a aussi la semaine Hors Limites, session de travail ouverte à tous les élèves ou encore des projets musique / arts plastiques qui réunissent notamment percussionnistes et illustrateurs durant des concerts dessinés. Nous encourageons ce type d’initiatives émanant des professeurs mobilisés dans ce sens.
Est-il prévu, dans le futur, de spécialiser les sites sur des options précises, par exemple le textile à Mulhouse ?
Non, c’est structurel : dans les statuts, il doit aussi y avoir de l’art à Mulhouse. Il n’est pas question de n’y proposer que du design textile ! Il faut cependant clarifier la répartition des formations et des diplômes, mettre en évidence les forces et les qualités de chaque site. Nous avons ainsi créé un groupe qui travaille sur un concours d’entrée unique. Notre ambition est de diversifier le profil des étudiants qui passeront leur diplôme à la HEAR, que ce soit à Strasbourg ou à Mulhouse. Le changement de nom et d’échelle est un enjeu qu’il faut accompagner. Avec Estelle Pagès, directrice des études en arts plastiques, Vincent Dubois, directeur de l’Académie supérieure de Musique, et les enseignants, nous essayons de rendre le plus lisible possible l’offre de formation. Mon rôle est de mettre en musique l’école avec ses deux départements et ses trois sites. Il faut rester à l’écoute pour trouver le bon équilibre !
Afin d’harmoniser les diplômes et les cursus supérieurs, les écoles d’art ont été obligées de devenir des établissements publics de coopération culturelle. Les EPCC offrent aux écoles une autonomie financière et juridique, et un cadre renouvelé de gouvernance, les villes restant les principales contributrices.
la HEAR en chiffres (2012)
– 725 étudiants
639 en arts plastiques (155 à Mulhouse & 484 à Strasbourg)
86 en musique
– 20 diplômes préparés : en Art, Communication, Design et Musique
– 157 professeurs, assistants et techniciens
– 80 événements – concerts, conférences ou expositions – proposés