Camping

Clouds (Kvadrat, 2008, © Paul Tahon et R&E Bouroullec)

Ronan & Erwan Bouroullec, superstars du design, posent leur Bivouac sur les quelque 1 000 m2 de la Galerie 3 du Centre Pompidou-Metz. Une monographie fournie sous forme de campement éphémère.

Le duo nous accueille à l’entrée de l’exposition que lui consacre l’institution messine. Montrant leur diversité d’approches, Bivouac a été entièrement conçu et confectionné par les frères Bouroullec. « Sauf les vis et les câbles », s’amusent-ils. « Nous sommes arrivés ici et avons déballé notre sac à dos », prétendent ceux qui cherchent à « s’adapter en permanence ». Dans les paquetages de ces designers exposés partout dans le monde (New York, Los Angeles, Londres, Paris…) et édités par les prestigieuses maisons Vitra, Ligne Roset ou Cappellini, nous découvrons une quinzaine d’années de labeur en commun : la célèbre et répandue Vegetal Chair ou le Lit clos, entre baldaquin et pièce architecturale « fondatrice ». Erwan Bouroullec, à propos de ce meuble “manifeste” de 1999, proche de la cabane : « À l’époque, nous étions jeunes et naïfs quant à la possibilité qu’un tel lit puisse exister sur le marché. Il s’agit néanmoins d’un de nos travaux les plus publiés et qui a généré plein d’enfants dont le canapé de la collection Alcove, sa traduction la plus directe, au bout de dix ans. Un de nos best-sellers. »

Architecture

Campé dans le fameux sofa, Erwan passe ses réalisations en revue, éditions ou commandes (citons l’espèce de tente bédouine pour le café du Mudam Luxembourg), beaucoup étant de véritables éléments d’architecture, se glissant dans l’habitat, offrant une protection visuelle et acoustique, permettant de se replier sur soi-même. « Je n’ai pas plus l’envie de fermer que d’ouvrir. Les deux sont nécessaires. La table Vitra, grande plateforme collective, est exactement à l’inverse du canapé. Les deux co-existent, même s’il est vrai que nous cherchons souvent à donner une qualité structurelle à nos meubles. Notre stratégie est, sans toucher aux murs ou au bâtiment, d’apporter une forme de douceur dans les espaces, de recréer une armature pour se retrouver à l’échelle humaine. » Il évoque alors Le Corbusier qui, comme eux aujourd’hui (voir leur système de cloisons North Tiles), « aimait suspendre des tapisseries, de grosses pièces textiles dans des intérieurs. Pour lui, il s’agissait d’un acte d’architecture visant à modifier l’espace. Le Corbusier est mal compris car associé au cube blanc, mais ses appartements étaient pensés afin que la vie s’installe, que les familles arrivent comme des nomades et prennent possession du lieu. » Ainsi, les frères designers veulent créer « un cadre de vie rigoureux » mais qui laisse libre cours à l’appropriation des usagers et favorise « l’intimité et le confort. En ça, on se rapproche du Corbusier. Il faisait des boîtes à habiter où la vie prenait le dessus. La nature humaine est comme une plante grimpante. »

 

 

Nature

L’organique Vegetal Chair, les aériens Nuages de polystyrène permettant de scénographier l’espace, les Algues qui s’emboîtent les unes dans les autres pour former d’étranges parois ou les lampes Lianes pouvant transformer un intérieur en jungle étincelante… Si Ronan et Erwan travaillent en étroite collaboration avec les industriels, la nature est omniprésente. « Une plante pousse de manière entêtée et s’adapte incroyablement bien à son petit périmètre » note Erwan, se souvenant de son enfance bretonne : « Pendant longtemps, nous habitions au bord de la mer où il y a beaucoup de beaux arbres qui ont pris la forme du vent. Cette capacité à s’adapter nous semble très intéressante. » Les Algues qui se clipsent ou les tuiles Clouds s’assemblant sont autant de modules à enchâsser. Les deux créateurs travaillent « autour de structures désordonnées qui grandissent dans l’espace de manière un peu irrégulière. Nous cherchons à créer un contraste par les matériaux de ces parois qui sont là pour scinder l’espace, mais de manière subtile. Elles n’ont pas la qualité d’un mur en béton, définitif, elles sont toujours un peu poreuses. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Haute couture

Chez eux, une sorte de luxuriance inhérente à leurs pièces modulaires, pouvant “pousser” à l’infini, comme de mauvaises herbes, cohabite avec le « less is more » cher à Ludwig Mies van der Rohe. « Notre approche est plus radicale que minimale », rectifie Erwan. « Nous voulons concentrer dans chaque projet un point de vue très clair qui ne soit pas perverti par du bavardage autour », en s’imposant des règles comme, par exemple, celle d’utiliser exclusivement du tissu pour North Tiles. Avec leurs formes à la fois « simples et “explosantes” », les frères se sentent proches de parfumeurs distillant des huiles essentielles. Leur quête de « nouvelles solutions », leur démarche conceptuelle, les place à la frontière de l’art contemporain, de la haute couture, voire de « la recherche médicale : nous mettons beaucoup d’énergie sur quelque chose qui est très éloigné de la réalité, mais qui, petit à petit, s’en rapproche. »

À Metz, au Centre Pompidou-Metz, jusqu’au 30 juillet 2012

03 87 15 39 39 – www.centrepompidou-metz.fr

www.bouroullec.com

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