Bpm sauce harissa
Taxi Kebab et Acid Arab, qui vient de sortir son nouvel album, concoctent une soirée orientale rythmée de basses à la BAM de Metz.
En résidence à la Cité musicale de Metz, Acid Arab se distingue par sa musique « 100% acide et 100% orientale » qui allie techno occidentale – entre acid house et minimaliste – à des airs orientaux, élaborant un parfait mélange entre Jeff Mills et Omar Souleyman. L’aventure débute en 2012 lorsque Guido Cesarsky, dit Minisky, et Hervé Carvalho se retrouvent Chez Moune à Pigalle pour des DJ sets lors de leurs soirées déjà intitulées Acid Arab. Par la suite, Pierrot Casanova, Nicolas Borne et Kenzi Bourras se joignent à eux pour former le fameux quintet. Aujourd’hui, ces créations à l’intro marquée en bpm suivie d’instruments ou de chants orientaux également soutenus en beats sont intemporelles, énergiques, hypnotiques et dépaysantes. Récompensé comme groupe français le plus exporté à l’étranger en 2017 et 2018, il revient en force en octobre 2019 avec Jdid (nouveau, en arabe), trois ans après Musique de France. Plus raffiné, puissant et panaché, ce deuxième album développe davantage les dialogues entre Orient et Occident et réunit de nombreux guests célèbres ou non, dont trois « géniaux » déjà présents sur le premier. Acid Arab accompagne leurs voix qu’ils enrobent de sonorités justes et variées, qui promènent du Maroc au Niger. Mettant en avant chants touaregs, raï ou poèmes bédouins, le groupe parcourt ces vastes territoires et renouvelle ses créations en intégrant certains instruments comme le yarghol (double hautbois palestinien utilisé pour Électrique Yarghol) ou le gasba (flûte de roseau berbère dans Staifia). Cette méticuleuse exploration de la culture orientale a notamment été rendue possible par l’apport du seul arabophone du quintet, Kenzi Bourras, qui n’est autre que l’ex-claviériste de Rachid Taha, l’une des idoles d’Acid Arab avec lequel ils ont produit Houria dans Histoire de France.
Fiers d’appartenir au label bruxellois Crammed Discs – le même que l’une de leurs références, Zazou Bikaye, quarante ans plus tôt – Acid Arab s’est aussi lancé il y a quelques années dans la production et signe avec l’égyptien Rozzma, découvert sur SoundCloud, en produisant son premier EP, Donya Fakka, en 2017. Encore peu mis en avant, ils souhaitent « rendre la pareille » et soutenir la techno, « scène qui ne cesse d’évoluer de manière protéiforme ». Un genre toujours « très marginalisé » rappelle Guido Minisky. « C’est encore mal connoté et les conflits entre les forces de l’ordre et les raves le montrent très bien ». En première partie du concert, le duo nancéen Taxi Kebab partage cette opinion et précise qu’il y a « de plus en plus de variété possible grâce à toutes les machines disponibles ». Léa Jiqqir et Romain Henry se sont rencontrés au Centre Culturel Georges Pomp It Up de la cité lorraine, où ils ont profité du studio mis à disposition avant de fonder leur groupe à l’hiver 2017. Ces jeunes artistes qui ont dû mettre entre parenthèse leur « boulot classique », la photographie pour Léa et la chorégraphie pour Romain, se préparent à sortir leur album fin 2020, après avoir enregistré leur seul clip en mai 2019, Lmchi w Rjou3. Il n’est pas encore question de collaborer avec d’autres, mais « on acceptera peut-être James Holden s’il vient nous voir ». Leur nom, ils le doivent à une soirée durant laquelle ils avaient envie d’un kebab et d’un taxi : « Il n’était pas encore question de faire de la musique ensemble mais on s’est dit que ça pourrait être un chouette nom. » Un an et demi après leur premier concert, le duo – managé par Tiphaine Gagne, qui gère Chapelier Fou – a une identité musicale bien précise qu’il aime décrire comme « psyché désorientale, voire décoloniale », en se plaçant à la rencontre entre Orient et Occident avec chaâbi marocain, transe gnawa et buzuq (luth fretté au long manche), tout en gardant des références éclectiques passant de Kanye West à Zombie Zombie. Romain gère les « machines et synthés » et Léa est à la guitare et au chant, en arabe. La langue s’est vite imposée à eux. Lui, qui ne le parle pas, considère qu’il y a « plus d’énergie et de caractère qu’en français ». Elle, a un « besoin intime d’utiliser l’arabe » transmit par son père, qu’il a fallu « réapprendre et se réapproprier ». Une soirée située en mer Méditerranée, alliant mariage raï et rave en plein Sahara. « Excité de retourner à Metz », Acid Arab y sera aussi accompagné en exclusivité par Cheikha Hadjla, qui enrichit Malek Ya Zahri par sa voix dans leur dernier album.
À la BAM (Metz), samedi 25 janvier
citemusicale-metz.fr
Paru chez Crammed Discs (13,99 €)
crammed.be