BOUM !
En accueillant l’exposition Damage control : Art and Destruction since 1950, le Mudam de Luxembourg revient sur le bouleversement des relations entre création et destruction dans l’ère post-atomique.
Si certains ont fait de la tension entre pulsion destructrice et besoin de contrôle un manifeste et une raison d’être comme Raphaël Montañez Ortiz (Destructivism : a Manifesto, 1962) qui éclate des pianos depuis près de 50 ans à la hache (son arme favorite, loin d’être la seule !) en écho aux rituels sacrificiels ancestraux des peuplades d’Amérique latine, pour d’autres, le geste est politique, engagé et engageant. Les trois clichés d’Ai Weiwei le représentant en train de lâcher un vase de la Dynastie Han se brisant au sol, en 1995, font ainsi référence aux dégâts de la Révolution culturelle maoïste tout autant qu’à la course (folle) en avant de la Chine contemporaine. Plus radical encore et tout aussi provocateur fut le Destruction in Art Symposium (1966) de Gustav Metzger qui, accompagné des Actionnistes viennois, invitait de nombreux artistes à transformer l’acte destructeur en puissant geste artistique. Christian Marclay nous plonge dans l’effroi pur avec Guitar Drag, film dans lequel il suit une guitare électrique Fender, branchée à un ampli à l’arrière d’un pick-up et traînée par une corde sur le macadam durant de longues minutes en résonance au lynchage en 1998 d’un afro-américain dans l’état du Texas. Le vacarme strident de bruits recrée l’horreur de cet insoutenable crime.
L’acte destructeur peut aussi être tout en contrôle et en référence à l’histoire de l’art à l’image de The Destroyed Room de Jeff Wall, subtile évocation des grandes lignes (diagonale, dominante rouge) de La Mort de Sardanapale de Delacroix dans lequel un roi regarde la fin des êtres qui lui sont proches, preuve que le carnage peut être de toute beauté. Avec The Scorceress (1961), Jean Tinguely donnait, lui, vie à un automate autodestructeur, miroir de la condition humaine. Une œuvre rare, dont le fonctionnement est malheureusement arrêté pour des soucis de conservation (sic !) qui ne manquent jamais de nous révolter quand ils vont, comme ici, à l’encontre même du geste de l’artiste. Ed Rusha pousse la bravade jusqu’au bout avec The Los Angeles County Museum of Art on Fire (1965-68), peinture érigée contre l’institutionnalisation de son art, dans laquelle se retrouve aussi un écho aux émeutes raciales de Watts qui enflammèrent la ville, cette même année. Mais force est d’attribuer le clou de l’audace à Jake et Dinos Chapman (Injury to Insult to Injury, 2004) qui détruisirent des œuvres originales de Francisco de Goya (Disasters of War) avec une ironie génialement provocante, ajoutant aux exactions représentées avec talent et réalisme des éléments purulents et des bestioles atrocement effrayantes.
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