Hacking the city
Chaque mois de juin, l’association Juste Ici prend pour terrain de jeux et de détournements les rues de Besançon. La 8e édition de Bien Urbain ne déroge pas à la règle avec en guest star l’artiste berlinois Brad Downey.
Événement festif et populaire, Bien Urbain revient avec ses interventions artistiques dans (et avec) l’espace public, ses parcours artistiques, ses ateliers participatifs et ses productions in situ par des artistes venus d’horizons variés. À la manière des Grands voisins parisiens accompagnant la transition de l’ancien hôpital Saint-Vincent- de-Paul dans le XIVe mêlant hébergement de personnes en situation de vulnérabilité et locaux pour associations et start-ups pour marier diversité sociale, économique et culturelle, l’association s’installe le temps du Festival chez Hôp Hop Hop à l’Arsenal. La librairie éphémère de Bien Urbain accompagne ainsi leur projet d’expérimentation différenciée de l’architecture en occupant temporairement l’ancien hôpital Saint-Jacques, au centre-ville de Besançon, amené à devenir la Cité des savoirs et de l’innovation. De ce QG pluridisciplinaire et intergénérationnel, rayonnera une manifestation dont la programmation 2018 a été assurée de concert avec Brad Downey. Les fidèles du festival Bien Urbain ont déjà pu admirer son détournement d’enseignes formant le mot Depressed sur le quai Veil Picard en 2014, ou encore ses peintures de panneaux Decaux jouant et révélant les formes et lignes de force de la pollution visuelle publicitaire. Plus poétique était son Breaking (window) laissant entrevoir des formes (volatiles ? étoiles ?) ou son Book, gros pavé remplacé par une page de livre dans le sol. Né dans le Kentucky, l’artiste a sillonné les États-Unis au gré des affectations militaires familiales. Son amour pour l’ironie mordante et le contournement des limites comme des règles n’y est pas pour rien.
Diamant brut
L’un des temps fort de la manifestation sera l’hommage rendu à Zoo project, nom d’artiste de Bilal Berreni, mort en 2013 à Detroit avant ses 24 ans. Sera notamment projeté au Kursaal le film documentaire C’est assez bien d’être fou (15 & 16/06) en présence d’Antoine Page. Le réalisateur avait tourné ce road-movie artistique, entre dessins et pellicule, au volant d’un vieux camion des années 1970, des montagnes des Carpates au cimetière de bateaux de la mer d’Aral, allant d’Odessa aux confins de la Sibérie à la recherche des fantômes de l’ex-URSS. Zoo project installe ses dessins grandeur nature tirés du Cuirassé Potemkine dans les escaliers où Eisenstein a tourné sa célèbre scène et redonne vie par sa poésie figurative à des lieux à l’abandon, fermes paumées, bateau rouillant au soleil… Une exposition à l’Arsenal des œuvres de celui qui s’était fait le témoin de la misère des réfugiés de la frontière libyenne du camp de Choucha en Tunisie comme de ceux tombés sous les balles durant les printemps arabes accompagne la présentation d’un ouvrage posthume XXL de son travail. Une seconde vie donnée à ses personnages à tête d’oiseau, de taureau effrayé et à ces punchlines du type « Si le silence est d’or, le bruit est de béton ».
Melting-pot
Avec sa malice habituelle, Brad Downey, parrain de cette édition de Bien Urbain, a aussi sélectionnée quelques joyeux comparses bien décidés à créer une flopée d’œuvres in situ, made in Besançon. Deana Kolenčíková, slovaque installée à Prague, joue des symboles et des signes tandis que l’ukrainien Yevgen Samborsky convoque des éléments naturels qui supplantent l’homme dans des sculptures de branches ou des amas de pierres. Le hollandais Helmut Smitsse lance des défis (dessiner un immense cercle en tirant des droites avec une règle de 80 cm) et Jazoo Yang, berlinoise d’adoption à laquelle la Maison de l’Architecture consacre une exposition (15/06 au 27/07), collecte des matériaux dans la rue pour composer des tableaux-boites quand elle n’architecture l’espace avec des tuyaux, palettes et autres objets chinés ici et là. Last but not least, l’excellent Vladimír Turner aux propositions aussi drôle que provocatrices et engagées. Connu pour avoir installé à Cologne une tente de réfugié sur un radeau au milieu d’un lac, qui s’allumait de l’intérieur la nuit grâce à un chargeur solaire, l’artiste a aussi rendu un hommage à Ne Travaillez Jamais, slogan tagué en 1953 sur les bords de scène par le jeune Guy Debord, qu’il a, lui, installé sur de lucratifs chantiers, symboles de la gentrification et de la spéculation actuelle. À Strasbourg en 2016, sa critique de la gestion européenne de la crise migratoire avait pris les atours de l’ajout de pointes métalliques anti-assises à une sculpture-banc, formée par les étoiles du drapeau, située entre le Parlement européen et la Cour européenne des Droits de l’Homme. Welcome to Europe!
Bien Urbain, dans les rues de Besançon et dans la librairie éphémère du festival chez Hôp Hop Hop à l’Arsenal, du 8 juin au 8 juillet
bien-urbain.fr
Salon Unlock de l’édition artisanale, à l’Arsenal du 22 au 24 juin
cestassezbiendetrefou.com
zoo-projet.com