Beretta 68 vise dans le mille au Théâtre national de Strasbourg

Beretta 68 © Jean-Louis Fernandez

Dans Beretta 68, le collectif Fasp explore le combat de la femme qui a tenté de tuer Andy Warhol. Rencontre avec Manon Xardel et Charlotte Moussié.

Valerie Solanas est une féministe extrémiste, qui a tiré sur Andy Warhol en 1968. Elle est aussi l’autrice du SCUM Manifesto, livre appelant à la libération des femmes et à l’éradication des hommes. Comment vous êtes-vous approprié cet ouvrage ?
Il faut savoir que l’on n’a pas eu les droits pour reprendre les extraits dans la pièce. Nous avons donc composé notre propre version, en nous basant sur des écrits de femmes engagées, telles Wendy Delorme, Dorothy Allison, Bell Hooks ou Elsa Dorlin. Puisque nous sommes huit, nous n’avons pas toutes le même avis sur ce texte. Nos opinions s’opposent, et nous proposons un débat, un dialogue où l’on peut réfléchir et questionner nos positions, parfois radicales.

Beretta 68 mélange des moments de vie de Solanas, inspirés de faits réels, et des épisodes contemporains que vous montez de toutes pièces. Comment cela fonctionne-t-il ?
Lorsque l’on relate son parcours, on se base sur des éléments purs et durs. Il est par exemple de notoriété publique que, lors de son procès, elle voulait se défendre seule et utiliser son avocate pour lui faire dire son propre plaidoyer. On ignore toutefois ce qu’elles se sont exactement dit, donc les discussions autour sont imaginées. En parallèle, nous interprétons des jeunes filles qui font partie d’un gang d’activistes, aujourd’hui. Elles évoluent dans l’environnement improbable d’une laverie désaffectée. 11 machines à laver délabrées se trouvent sur scène ; certaines sont mobiles, d’autres non. Elles nous permettent de remodeler le lieu, de signifier lorsque l’on change de décors et de personnages. Nous utilisons aussi une structure ressemblant à des escaliers de secours new-yorkais comme référence d’un hôtel dans lequel Valerie Solanas a dormi. Au sommet, une vieille porte de garage sert de support de projection pour des vidéos. À la base, cette construction n’était qu’un simple échafaudage.


Vous avez en effet créé une première fois ce spectacle dans le cadre de vos études à l’École du Théâtre national de Strasbourg, l’année dernière. Quels autres changements avez-vous apportés ?

Notre écriture suit l’actualité et les débats publics. Dans la première version, nous avions un passage au sujet du meurtre de Nahel. Nous ne le garderons pas. Peut-être que nous le remplacerons par une partie consacrée à l’élection du Premier ministre. Ce morceau est en réécriture.

Vous parliez de vidéos projetées sur une porte de garage, tout à l’heure. De quoi s’agit-il ?
Nous réutilisons des extraits de différents films, comme Kill Bill, Oranges sanguines ou Thelma et Louise, pour illustrer certaines scènes. Le son est coupé, mais une musique joue par-dessus. La plupart des compos sont notre propre création, entre rap, violon, accordéon, piano et logiciels MAO que l’on joue et chante en direct, mais pour ce tableau, nous empruntons le titre Las Desheredadas du groupe de rap espagnol Tribade. Il parle de sororité et de vengeance, ce qui correspond parfaitement à l’ambiance recherchée.


Au Théâtre national de Strasbourg du 8 au 18 octobre

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