Band of brothers
Paru l’année passé, The Long March est le sixième album du Trio Joubran. En tournée, la formation palestinienne interprète ses mélopées entêtantes et engagées.
Un oud au son envoûtant. Puissance trois. Samir, Wissam et Adnan Joubran, trois frères palestiniens, héritiers d’une longue dynastie de luthiers, arpentent la scène musicale depuis de nombreuses années. La voix de Mahmoud Darwich plane sur leurs morceaux depuis À l’Ombre des Mots (2009), album où les textes du rhapsode incarnant l’identité de tout un peuple ont rencontré leurs notes. Dans Supremacy – titre écrit comme une cinglante réponse à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par Donald Trump – se retrouve un des textes les plus célèbres du poète, son Discours de l’Homme rouge (où il dresse un parallèle entre les Indiens d’Amérique et les Palestiniens), dont Roger Waters, l’âme de Pink Floyd, récite la traduction anglaise : « Il y a des morts qui sommeillent dans des chambres que vous bâtirez. Des morts qui visitent leur passé dans les lieux que vous démolissez. Des morts qui passent sur les ponts que vous construirez. Et il y a des morts qui éclairent la nuit des papillons, qui arrivent à l’aube pour prendre le thé avec vous, calmes tels que vos fusils les abandonnèrent. » Dans les bacs depuis octobre 2018, The Long March – symboliquement, celle du peuple palestinien – regroupe des titres composés des fragments de certains de ses vers pour une musique où des nappes synthétiques ultra contemporaines (coordonnées par Renaud Letang) fusionnent avec le son traditionnel et millénaire de l’oud… Mélodies entêtantes, ces ritournelles sont peuplées de voix multiples, celle du chanteur iranien Mohammad Motamedi, du percussionniste Youssef Hbeisch ou du violoncelliste Valentin Mussou, mais aussi, à nouveau, celle de Roger Waters. Partageant une commune volonté de faire voler les murs en éclats, ils ont enregistré ensemble Carry the Earth, plage planante irriguée par un message humaniste balancé par une voix samplée, où la tragédie est présente en filigrane, puisque le morceau est dédié à quatre enfants tués par une frappe israélienne à Gaza, en 2014, alors qu’ils jouaient au football au bord de la mer. Avec The Hanging moon, ils transportent l’auditeur dans un Orient de beauté et de douleur, de tapis de cordes ensorcelant en rythmique onirique, arpentant la sauvage aridité d’un désert mystique où coule une source d’espoir. Cœur battant, jamais battu.
Aux Dominicains de Haute-Alsace (Guebwiller), jeudi 16 janvier dans le cadre du festival Les Vagamondes (voir p.20)
les-dominicains.com
lafilature.org
À La Philharmonie (Luxembourg), samedi 18 janvier
philharmonie.lu
Au Théâtre de la Rotonde (Thaon-les-Vosges), mardi 21 janvier
scenes-vosges.com
À l’Université de Heidelberg, vendredi 27 mars
heidelberger-fruehling.de