Avec Mathias Moritz, On ne choisit pas ses fantômes

On ne choisit pas ses fantômes © Vincent Muller

Passionné par les comédies romantiques, Mathias Moritz s’intéresse à un couple en crise dans On ne choisit pas ses fantômes.

Si le titre de la nouvelle pièce de Mathias Moritz vient d’une blague avec son équipe, cette création est surtout une adaptation de Scènes de la vie conjugale, série américaine de cinq épisodes réalisée en 2021 et portée par Jessica Chastain et Oscar Isaac, elle-même inspirée de sa devancière, signée Ingmar Bergman (1973). L’histoire originale, se déroulant sur dix ans, suit un homme et une femme, respectivement professeur de psycho et avocate qui, malgré les tensions, tentent de maintenir le cap de leur relation. « C’est la première fois que je m’attaque à une œuvre existante », confie le metteur en scène. En découvrant le remake, pendant le confinement, il remarque que le réalisateur Hagai Levi – à qui l’on doit, entre autres, la géniale série The Affair – opère quelques ajustements. Dans la version de Bergman, c’est en effet l’homme qui quitte la femme et écope de tous les torts, ou presque. La deuxième interprétation inverse les rôles : le personnage féminin devient le coupable détestable pour lequel il est difficile d’éprouver de l’empathie. « Au début, je ne comprenais pas ce choix. Puis, finalement, j’ai trouvé ça brillant et malin. C’est une façon de retravailler les rapports », ajoute-t-il. Bien qu’il s’éloigne par moments des précédents récits – l’action se situe ainsi en France –, Mathias Moritz récupère ce renversement des genres et ouvre sa pièce de la même manière, conviant ses interprètes à se présenter à travers une interview, face au public. Derrière une dizaine de micros, ils enchaînent rapidement les questions et nous plongent ensuite dans leur quotidien, devant un mur blanc et des affaires de déménagement.


Autre différence : On ne choisit pas ses fantômes se concentre sur l’épisode 4. « Les Illettrés est l’acte central, l’acmé », explique le metteur en scène. « Tout y est : pic d’amour, de violence, signature des papiers du divorce… ». Le temps du spectacle, on suit ce duo dysfonctionnel dans une temporalité s’étirant sur quelques années. Pour matérialiser cette évolution, la compagnie préfère jouer sur les costumes et accessoires, plutôt qu’avec des masques ou prothèses faciales. L’épouse voit la couleur de ses vêtements se faner de plus en plus, tandis que le mari commence à porter des lunettes. Tout au long de la représentation, un plateau recouvert de plantes en plastique, frigidaire et magnétoscope VHS descend également sur scène. Une fois au sol, il remonte, puis se penche d’un côté, menaçant de tout faire basculer. « C’est une métaphore de l’équilibre du couple », révèle Mathias Moritz. « Ils cherchent leur stabilité, et cela fait écho à l’une des répliques du comédien, qui compare le mariage à une plateforme. » La symbolique d’un ménage qui part en vrille passe enfin par divers objets fracassants, allant d’un pétard dans une boîte de gâteaux, à des voitures télécommandées sortant de cartons, jusqu’à une étagère tombant d’un mur pendant une simple discussion – prémices d’une dispute ? Le décor cache bien son jeu et montre, qu’au fond, « personne n’a envie de se retrouver tout seul. »


Au Taps Scala (Strasbourg) du 14 au 17 janvier et à La Filature (Mulhouse) mercredi 14 et jeudi 15 mai

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