Au service de l’Autriche
Le Renégat, deuxième tome de Bonneval pacha, nous entraine sur les traces d’un aristocrate singulier, dans les circonvolutions du début du dix-huitième siècle : de Venise à Paris via Vienne.
Comment le comte de Bonneval (1675-1747) est-il devenu Humbaraci Ahmed Pacha ? Tel est l’objet de cette passionnante saga imaginée par le scénariste Gwen de Bonneval (un lointain descendant du gentilhomme) et le dessinateur Hugues Micol dont le trait d’une intense picturalité rend avec élégance l’atmosphère des années 1700. Nous retrouvons notre héros à Venise fuyant l’ire des autorités françaises : le marquis de Langallerie le convainc de passer à l’ennemi et de se mettre au service de l’empire d’Autriche. Néanmoins « pour l’esprit, l’audace, la bravoure, le coup d’œil rapide en mille choses, c’est le Français peut-être le plus français qui fut jamais » pour reprendre la phrase de Michelet.
Voilà un homme plein de panache, successivement officier français sous Louis XIV (c’était dans le tome 1, L’insoumis), général d’infanterie pour l’Autriche (dans le volume qui nous occupe), puis pacha ottoman à Constantinople (ce sera l’objet de l’opus 3, Le Turc) dont les aventures évoquent à la fois les péripéties rocambolesques du baron de Münchhausen, la flamboyance de Fanfan la Tulipe et, évidemment, l’homme du dix-huitième siècle par excellence, Casanova dont il partage un goût pour le libertinage. La reconstitution historique est exemplaire et évite avec bonheur l’écueil majeur du genre : du siège de Tortone à la meurtrière bataille de Malplaquet, en passant par les négociations de paix d’Utrecht voilà en effet une leçon d’histoire moderne donnée tout en finesse. Libre à chacun ensuite, s’il en a envie, d’aller plus loin. Les soubresauts du siècle sont la fascinante toile de fond de l’épopée d’un bretteur de premier ordre, d’un extraordinaire aventurier qui manie aussi bien le verbe en compagnie du poète Jean-Baptiste Rousseau ou des œuvres de Leibnitz que l’épée… Ce n’est pas un hasard sans doute si la couverture de ce Renégat fait un clin d’œil, par sa construction et son atmosphère chromatique, à celle du premier volume de La Jeunesse de Blueberry…