Au plus près de la réalité
Avec son focus sur le théâtre du réel, La Filature fait son Mai Documentaire, temps fort dédié à un genre ayant le vent en poupe.
Porter la vraie vie de gens plus ou moins ordinaires sur les planches. Jouer son propre rôle et oser l’intimité partagée. Ainsi se veut le théâtre documentaire auquel La Filature se plaît à nous convier avec pas moins de cinq pièces proposant, notamment, de croiser 53 supporters du Racing Club de Lens, sept transgenres de Catalogne ou encore les habitants d’un village basque. Dédié aux Sang et Or, le Stadium de Mohamed El Khatib confronte deux univers souvent pensés comme éloignés. Spectateurs de théâtre et supporters du club du Nord de la France partageront le même espace dans des tribunes se faisant face, durant deux mi-temps de 45 minutes où les inconditionnels du ballon rond dévoileront leurs rituels collectifs faits de chants, grimages, musiques, mascottes et… baraque à frites de Momo (idéale pour étancher sa soif et sa fin à l’entracte). La diversité de ce public dont on s’accorde souvent à dire qu’il est le meilleur de France – n’en déplaise aux aficionados de la Meinau –, se dévoile en témoignages quotidiens et en amour inconditionnel pour le RCL, plus fort que la famille ou le reste de la vie. Autant de portraits sensibles qui n’épargnent ni les zones d’ombre (violence, racisme…) ni les émotions fortes (ah Les Corons de Pierre Bachelet, comme au stade Bollaert). Changement de décor avec Hospitalités dans lequel Massimo Furlan fait d’un canular une véritable expérience citoyenne retranscrite au plateau. Lorsque le metteur en scène débarque à La Bastide-Clairence, il fait croire, grâce à la complicité de quelques personnes, qu’un centre d’hébergement pour migrants va bientôt ouvrir dans ce petit village basque propret. De quoi faire miroiter, avec un brin de cynisme, une baisse sensible des loyers. Il ne savait alors pas que quelques semaines plus tard, une famille d’exilés serait véritablement accueillie dans le village. Sur scène, le Maire du village et huit de ses administrés (potière, esthéticienne, menuisier…) content cette histoire, les pensées et les émotions qui les ont traversées. Entre documentaire et réflexion politique, Massimo Furlan se garde de tomber dans les poncifs de morale bienpensante. Il offre un regard pertinent sur ce qu’entraîne l’hospitalité à une époque de replis et de peurs, comme réticences, mais aussi comme potentialités enthousiasmantes pour les hôtes et ceux qu’ils accueillent.
À La Filature (Mulhouse), du 10 au 26 mai
Stadium de Mohamed El Khatib, jeudi 23 mai (en partenariat avec les Espaces culturels Thann-Cernay)
Hospitalités de Massimo Furlan, vendredi 10 et samedi 11 mai