Au-delà du réel
Avec pour mot d’ordre get real, le festival de musique contemporaine de la Philharmonie de Luxembourg rainy days expérimente sans relâche, allant au plus profond du son.
Prendre le réel en pleine figure. Nous voilà loin du cliché d’un répertoire détaché du monde, se promenant dans les sphères éthérées de l’intellect et des sens. Pour son édition 2018, rainy days montre la manière qu’a la musique contemporaine de prendre part « à la réalité, au-delà de la salle de concert : elle peut être prise de position politique, partie intégrante de l’identité, refléter la société, que ce soit avec des sons concrets du quotidien enregistrés ou des histoires personnelles. » Illustration avec le concert de l’Ensemble Resonanz (16/11). S’y télescopent le Journal d’un disparu de Leoš Janáček – cycle de 22 Lieder sur des poèmes anonymes, écrits en dialecte valaque pour voix et piano, narrant les amours du jeune paysan Janik pour la fille de Zefka le gitan – et Migrants, pièce de Georges Aperghis sur « les disparus de notre temps » créée il y a quelques mois. « Je ne voulais pas seulement mettre un visage sur les corps noyés échoués sur les côtes européennes, mais aussi sur les nombreux vivants qui errent sans identité à travers l’Europe », résume le compositeur grec. Un hommage aux pionnières de la musique concrète (24/11) sera aussi rendu, montrant la place des femmes (comme Evelyne Gayou ou Éliane Radigue) au sein du Groupe de Recherches Musicales qui fut à l’origine d’un genre utilisant les sonorités du monde comme matériau de composition, tandis que Florian Hoelscher jouera Erinnerungsspuren d’Alberto Posadas (24/11). Dans ce cycle pour clavier, le compositeur s’intéresse à la mémoire, expérimentant comment le cerveau humain peut transformer le souvenir : dans l’oeuvre, se trouvent ainsi, sédimentées et métamorphosées, des fragments devenus traces de partitions de Couperin, Zimmermann, etc. D’empreintes il sera aussi question avec Traces of reality d’United Instruments of Lucilin (17/11) qui explore la place du réel dans le son avec la bien nommé Symphony-Street-Souvenir de Joanna Bailie, Popular Contexts où Matthew Shlomowitz se sert de sons enregistrés au cours de voyages en avion ou encore une pièce dans laquelle Peter Ablinger transcrit des discours célèbres pour piano ! Vous rajoutez des instants festifs (Wunderkammer, mosaïque en forme de cabinet de curiosités sonores dans toute la Philharmonie, 25/11) et concert cultes avec Einstürzende Neubauten (13/11) et obtenez un joli kaléidoscope… éminemment réel !
À La Philharmonie, mais aussi au Grand Théâtre et à L’Abbaye de Neumünster (Luxembourg), du 13 au 25 novembre