Fascinant roman (photo)graphique signé Michel Setboun, Iran, Révolution narre la naissance de la république des mollahs et la chute du Shah.
Témoin des journées de 1979, le géographe Bernard Hourcade rappelle dans une éclairante préface les enjeux d’un événement qui « fut une vraie révolution, (…) totale, imprévisible et inexorable ». Également présent sur le terrain, le photographe de presse Michel Setboun – 26 ans, à l’époque – livre un récit passionnant permettant de mieux comprendre l’Iran d’hier et, par ricochet, d’aujourd’hui. Rythmant le propos, les textes (écrits en collaboration avec David Alliot) sont éclairants et précis : en 1978, il a l’intuition que quelque chose se passe dans le pays. Il accompagne Reza Shah Pahlavi, le “roi des rois” dans un voyage officiel à Mašhad dont la traversée est « surréaliste. Les élites locales, soucieuses de flatter le prince, n’ont eu le temps pour l’occasion que de construire les façades des nouveaux immeubles. » Ce décor en carton-pâte illustre la coupure entre le souverain et la réalité. Au fil des pages, la contestation est décrite, réprimée tout d’abord par la redoutable Savak, la police secrète du Shah. La révolte monte comme une marée sombre et inexorable, rythmée par les cris des manifestants scandant « Shah Khomeiny ». Le lecteur assiste à la chute d’un régime et à la naissance d’un autre : le 16 janvier 1979 la nouvelle se répand : « Shah Raft » (le Shah est parti), tandis que le 1er février, une foule en liesse accueille Khomeiny. Resté trois ans en Iran entre 1978 et 1981, Michel Setboun publie ici 600 photos prises sur le vif, les retravaillant pour les métamorphoser en véritables compositions dessinées éminemment calligraphiques, créant un véritable roman (photo)graphique en noir et blanc questionnant les limites de l’image. Mosaïques composées de milliers d’hommes et de femmes fondus dans une foule indistincte portraits en gros plan pétris d’une intense émotion de manifestants habités d’un idéal, images hiératiques pour l’Histoire des principaux acteurs (comme Khomeiny saisi, triomphant et serein, lorsque son avion entre dans l’espace aérien iranien) : ces quelque 200 pages constituent un choc visuel et une invitation à se plonger dans une Histoire dont on ne se contente trop souvent que d’une vision superficielle.
