Arterres
Transmergence#01, commissionnée par Felizitas Diering, directrice du Frac Alsace, étudie le “système terrestre”. Dans cette exposition, géographie rime avec anatomie.
Transmergence ? Felizitas Diering donne sa définition de ce « néologisme, ce mot composé d’“émergence” (créatifs…) et du préfixe “trans” signifiant croisement / débordement (transfrontalier transdisciplinaire, transformation…). Il s’agit d’un titre concept et je souhaite réutiliser ce format pour montrer régulièrement des plasticiens locaux lors d’expositions collectives. Selon moi, la région ne se résume pas à l’Alsace, mais au Grand Est et aux zones transfrontalières, un territoire pourvu d’une grande concentration d’artistes et d’institutions ! » De l’extérieur de l’institution, à travers ses vastes baies vitrées, le spectateur est frappé par un écroulement de pierres montagneuses, reliquat d’une avalanche tyrolienne ou fruit d’un glissement de terrain sur une cime. En s’approchant de l’amoncellement, on remarque que ce Tour du monde à la voile, installation réalisée in situ par l’artiste allemand Jochen Kitzbihler, se compose du reliquat d’une bâtisse en béton armé. Nous songeons à une tour new-yorkaise en ruines, un amas post-apocalyptique ou un paysage romantique 3D façon Caspar David Friedrich. S’agit-il des gravats d’une civilisation en déliquescence ou d’une nature hostile et indomptable ? Kitzbihler met en garde : la planète bleue va sombrer de manière anticipée sous les décombres si sa marche folle ne ralentit pas.
Capucine Vandebrouck, Jingfang Hao & Wang Lingjie et les autres artistes exposés « explorent le concept de Terre en tant que système complexe et matière ayant pris forme », note Felizitas Diering dans une exposition conçue comme un big bang plastique composé de travaux où l’Homme, délibérément effacé, brille pas son absence ! Dans le fragile paysage de papier aquarellé par Ruben Maren, aucune trace humaine, mais un territoire australien réinventé, irrigué par routes et chemins, autant de vaisseaux sanguins et fines veines conduisant à une forme de poumons (façon Rorschach) protégés – si peu – par la lithosphère. Guillaume Barth* est resté des mois dans le désert bolivien pour son projet Elina d’où découle la vidéo présentée au Frac, Le Deuxième Monde. La caméra tourne autour d’un igloo fait de blocs de sel qui se reflète sur le sol humide, l’effet miroir le transformant en sphère qui semble tournoyer dans une galaxie inconnue. Pour soigner son vertige, peut-être faudra-t-il faire une cure de lithium… sensé calmer les nerfs lorsqu’il circule dans le sang.
Au Frac Alsace (Sélestat), jusqu’au 15 septembre
frac.culture-alsace.org
* Voir Poly n°219 ou sur poly.fr