Andy says
Il aura connu bien plus d’un quart d’heure de célébrité… Andy Warhol est glorifié au Centre Pompidou-Metz et au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris dans deux expositions dédiées à l’imagination sans bornes du manager du Velvet Underground, artiste perruqué à l’œuvre protéiforme.
Une impressionnante galerie de portraits accueille le visiteur du Centre Pompidou-Metz : dans une reconstitution de la Silver Factory – lieu de spectacle, de création artistique, de fête… –, avec ses murs tapissés de feuilles d’aluminium, il est scruté par les superstars warholiennes immortalisées par Stephen Shore, Billy Name ou Nat Finkelstein. On remarque le visage craintif de Nico (capté par Shore), muse à la beauté ardente, une des héroïnes (rongée par la drogue éponyme) de la Factory que l’on retrouvera dans la salle nous plongeant dans l’opéra contemporain d’un nouveau genre nommé Exploding Plastic Inevitable. Ce spectacle vertigineux, quasi SM, mêlait la musique live du Velvet, des projections ou encore des chorégraphies d’Edie Sedgwick ou celle dite “du fouet” de Richard Malanga, bras droit d’Andy. Malanga (avec le biographe Victor Bockris) est l’auteur d’un livre, The Velvet Underground–Up-Tight, décrivant le déroulement de cet « étourdissant show rock multimédia fait d’entrelacs de films, de lumières, de musique, de danse, de diapositives et d’une caméra filmant le public intimidé et abasourdi. » Cette œuvre d’art total qui s’exporta de ville en ville donne, selon les auteurs, « un exemple parfait de l’art qu’avait Andy Warhol de manier les talents et les idées des autres. Warhol a toujours été une sorte de catalyseur par lequel les gens aux talents multiples qui ne savaient pas très bien comment les exploiter pouvaient enfin trouver un terrain d’expression. »
La mort lui va si bien
Photographe, publicitaire, peintre, sérigraphe (2D et 3D), réalisateur de films expérimentaux, magna de la presse avec son magazine Interview, romancier, portraitiste des people… Warhol est un génial touche-à-tout ayant pris le plus influent des groupes rock sous son aile. L’auteur de la “banane” qui orne le premier album venimeux et velouté du Velvet Underground est le pygmalion bienveillant d’une formation (fondée il y a pile 50 ans) omniprésente dans l’exposition messine. On retrouve Lou Reed, John Cale et les autres sur les Screen Tests (à Metz et à Paris), série de vidéos en plan fixe montrant ceux qui ont écrit les plus belles (et tristes) pages de la Factory : artistes, jet-setteurs huppés, travelos, homos et autres anges déchus. Paul America, Edie Sedgwick, Billy Name, Dennis Hopper, Ingrid Superstar, Nico ou Richard Rheem fixent la caméra et brûlent la bobine. L’un a du mal à dissimuler son malaise, l’autre fanfaronne pour se donner consistance ou lâche une larme qui n’a pu être retenue, rappelant que la Factory, ce sont aussi des destins brisés, du poison circulant dans les veines, de la folie dévorante, des femmes fatales trop vite fanées, des innocents incandescents. Les désastres de la vie irriguent le travail de celui qui, en 1968, échappe de peu à la mort, suite aux tirs de la féministe Valerie Solanas. La Grande faucheuse habite sa série Death and Disasters (série d’accidents de voiture), ses Electric Chairs ou même ses représentations d’icônes américaines : lorsqu’il peint Liz Taylor, celle-ci, alors gravement malade, est épiée par les médias guettant son dernier souffle. Ses Jackies ? Il les réalise juste après le meurtre de JFK. Avec Warhol, le glam et le glas sont liés. Son art n’est jamais aussi léger que les Silver Clouds, nuages argentés gonflés à l’hélium accompagnant les danseurs de Rain Forest, spectacle chorégraphique de Merce Cunningham.
Le Centre Pompidou-Metz et le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris éclairent l’œuvre sans limites de Warhol, les deux institutions montrant les travaux d’un créateur ayant l’art de “sortir du cadre” et de mettre en scène son travail. Le musée parisien insiste davantage sur la dimension sérielle en présentant, pour la première fois en Europe, ses Shadows (1978-79), suite de 102 toiles (!) s’étendant sur 130 mètres de long. Une partition où les motifs se répètent, une « expérience cinétique proche du cinéma », selon Fabrice Hergott, directeur du MAM. Une peinture monumentale sans début ni fin (comme Empire, plan fixe de huit heures de l’Empire State Building), ayant la semblance d’une pellicule de film hantée par des ombres. Les fantômes de la Factory ?
03 87 15 39 39 Warhol Unlimited, à Paris, au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, du 2 octobre au 7 février 2016 01 53 67 40 00 Concert de Thurston Moore (Sonic Youth), lundi 23 novembre au Centre Pompidou-Metz, en partenariat avec Musiques Volantes
Photo : Steve Schapiro, Andy Warhol et le Velvet Underground, Hollywood Hills, Los Angeles, 1966