Autour d’une installation in situ, la Moderne Galerie présente des œuvres emblématiques de Giuseppe Penone. Rencontre à Sarrebruck avec un des fondateurs de l’Arte povera1.
Après Pae White2, c’est Giuseppe Penone (né en 1947) qui investit l’impressionnant “atrium cathédrale” haut de 14 mètres de la Moderne Galerie. Avec Ripetere il bosco (Répéter la forêt), il œuvre « comme un archéologue qui fouillerait Troie. Je me sers de poutres choisies dans des scieries et les creuse à la recherche de l’arbre qu’elles renferment. En le mettant à jour, mon mouvement va de la culture à la nature : je tente de redonner à un objet manufacturé son état originel, cherchant l’intelligence des formes qui se créent au fil de temps et des intempéries. » Cette quête a débuté en 1969 et se poursuit aujourd’hui, apportant la vie dans le white cube, car « les arbres mémorisent leur vécu dans leur structure interne : chaque branche, chaque bourgeon, chaque feuille sont présents… Ce travail n’a pas de fin puisqu’ils sont tous différents les uns des autres », s’amuse l’artiste. Au milieu du musée jaillit une forêt de vingt mélèzes hauts de trois à neuf mètres : les forces primitives entrent en résonance avec la géométrie de l’architecture générant un sentiment de sacré.
Force motrice de celui qui fut un des acteurs originels de l’Arte povera à la fin des années 1960 (avec Mario Merz, Jannis Kounellis, Michelangelo Pistoletto, etc.), la nature est l’alpha et l’oméga de l’œuvre de Giuseppe Penone : « Elle n’est pas le produit de l’Homme et permet donc un travail atemporel », résume un créateur qui aime glisser du règne minéral au végétal, puis à l’animal. Illustration avec Pelle del monte (Peau des montagnes) montrant la proximité entre les veines de la pierre et celles de la peau. La conversation avec l’artiste se poursuit entre les œuvres, sautant d’un dialogue de Plutarque où « est évoqué l’origine de la patine de bronze du monument des navarques athéniens installé à Delphes – est-ce un effet du climat ou un produit du génie du sculpteur ? – » et sa joie de revoir Corteccia, installation de 1983 qui n’avait été montrée qu’une fois. Autour d’un buste de terre cuite du fils du plasticien, se déploie une réflexion sur le geste du sculpteur. Les empreintes laissées sont comme un “négatif” de l’œuvre, son écorce – traduction du titre – protectrice, comme les pétales géants d’une fleur. L’arbre toujours… Il sera l’an prochain au centre d’un projet intitulé Indistinti confini (Frontières indistinctes) voulu par le directeur de la Moderne Galerie, Roland Mönig avec le Centre Pompidou : « Giuseppe Penone va planter deux arbres de pierre. Le premier, ici, sera réalisé en Pierre de Jaumont3, le second, installé à Metz, sera sculpté ans le grès rouge de Sarrebruck. »
À la Moderne Galerie (Sarrebruck), jusqu’au 28 juin 2020 pour l’installation in situ (jusqu’au 18 août seulement pour les autres pièces)
modernegalerie.org
kulturbesitz.de
1 Attitude, plus que mouvement visant à défier l’industrie culturelle et la société de consommation en privilégiant le geste créateur plutôt que l’objet ni et en utilisant le plus souvent des matériaux réputés “pauvres” (chiffons, terre, corde, etc.)
2 Voir Poly n°202 ou sur poly.fr
3 Pierre jaune extraite en Moselle dans laquelle sont bâtis de nombreux monuments de Metz comme la Cathédrale ou l’Opéra-Théâtre