Ainsi playent-ils
Dans la lignée du collectif Scenopolis1 en 2015, les étudiants de 5e année de l’Atelier de Scénographie de la HEAR2 font un festival de leurs projets de diplôme : Les Écholalies.
Après le succès de leurs aînés qui avaient investi le Hall des Chars pour présenter au public leurs diplômes de scénographie dans des versions performées, les étudiants de la promo 2017 se sont vite mis d’accord pour leur emboiter le pas. Alors en 4e année, ils mûrissent la constitution d’un collectif et s’accordent sur un nom – ECHOS –, bien décidés à sortir des murs des Arts déco, lorgnant sur les grandes salles de La Manufacture des tabacs. École et Ville s’accordent. Les douze scénographes visitent ce lieu hyper chargé esthétiquement en février. Chacun choisit un espace, qu’il doit parfois partager. Certains recréent des boîtes noires pour rendre viables leurs projets tandis que d’autres, à l’instar de Maialen Imirizaldu se lancent dans l’in situ : travaillant sur des projections d’illustrations réalisées par Murielle Andrès d’après photos, elle donne vie à des détails (mobilier, radiateur, papier peint…) sur fond d’interviews croisées. À partir de fragments d’Anarchie en Bavière de Fassbinder, Lisa Colin compose des utopies naïves dans lesquelles se créent des affrontements, « des joutes factices dont le public serait acteur sans le vouloir ». Zoé Mary diffracte pour sa part le Music-hall de Lagarce pour cinq femmes performant en simultané sur des voix pré-enregistrées, du haut de modules se dispersant dans l’espace. Autant de versions, « murmurées de manière assez ténues pour obliger les spectateurs à être au plus près des corps », du souvenir qu’elles nous racontent et que personne ne pourra embrasser dans son ensemble. Architecturant l’espace pour proposer des fictions à vivre, les scénographes “activent” les spectateurs à leur insu : dans l’ancienne chaufferie, Élise Vilatte organise une déambulation guidée par une spatialisation sonore à partir de collectage de récits sur le potentiel devenir du bâtiment alors que Marc Valles investit la cave et la partie haute du même endroit comme des « lieux de choc, des espaces traumatiques inspirés des bateaux négriers », hantés par les déambulations d’un chanteur. Xiaoyun Zhang place le public de part et d’autre d’un espace étroit, derrière des tissus percés de petits trous à partir desquels découvrir sa relecture d’un conte chinois fantastique. Maria Pinhero guide nos déplacements dans une exploration de la notion de frontière et Fanny Clouzeau recrée une cordée pour une progression initiatique sur une montagne… factice, of course ! Énigmatiques demeurent jusqu’au dernier moment Simon Jerez et son « opéra pour une chanteuse lyrique, cinq modules, trois danseurs et deux techniciens » dans un espace où trône un mur lumineux réservant quelques surprises mais aussi Louise Bentkovski inventant une dystopie dans l’ancienne chambre frigorifique dont les trois portes servent de point de vue sur « un récit spéculatif, absurde et critique » dont émergent un immense reptile, un bouc ou un joueur de synthétiseur.
1 Voir Poly n°178 ou sur poly.fr – scenopolis.eu
2 La Haute École des Arts du Rhin réunit l’Académie supérieure de Musique de Strasbourg, l’École supérieure d’Art de Mulhouse et l’École supérieure des Arts décoratifs de Strasbourg – hear.fr