Avec Géologie des déluges, Abdelkader Benchamma explore l’universalité des mythes, entre mondes aquatiques et telluriques.
Le travail d’Abdelkader Benchamma se déploie, affirmet- il, « dans un espace situé entre science et croyance, entre géologie et magie ». Avec cette exposition, il a pris le déluge pour pivot, épisode présent aussi bien dans la Mésopotamie et la Chine anciennes, que chez les Mayas et les Amérindiens ou dans le Coran et l’Ancien Testament. Utilisant le dessin dont il explore toutes les possibilités pour en transcender les limites, l’artiste propose un parcours où les changements d’échelle permanents invitent à la réflexion : est-ce que la psyché humaine peut être structurée par des principes communs ? Un mythe s’est-il transmis et transformé au gré des pays et au fil du temps ? La salle principale de la Fondation François Schneider est ainsi métamorphosée en gigantesque installation créée in situ – un modus operandi habituel chez l’artiste – où des fresques murales répondent à de mystérieux monticules. Lignes de rivages (2023) – un titre qui évoque les marques laissées par l’eau sur la roche, vestiges possibles de catastrophes passées – est un « paysage mental rassemblant des fragments d’histoires et de mythologies, comme des portes fantastiques qui donnent accès à d’autres mondes », résume-t-il. Disparition. Empreinte. Traces. L’eau est présente comme une marque, une Image survivante pour reprendre le titre d’un livre de Georges Didi-Huberman où il écrit : « Une image est le résultat de mouvements provisoirement sédimentés ou cristallisés en elle. Ces mouvements la traversent de part en part, ont chacun une trajectoire. Partant de loin et continuant au-delà d’elle. Ils nous obligent à la penser comme un moment énergétique ou dynamique. »
Quelques marches plus bas, voici le Kometenbuch (2023), série de miniatures inspirées d’un ouvrage du XVIe siècle : entre astrophysique et croyances médiévales, Abdelkader Benchamma interroge l’origine de la vie sur terre. Nombre de scientifiques pensent en effet qu’elle pourrait provenir des météorites… La série rassemble explosions chromatiques – l’artiste semble assumer de plus en plus la présence de la couleur dans ses compositions – et autres espaces cosmiques insensés, sans oublier une vue cauchemardesque et absurde de naufragés tentant d’atteindre un esquif balloté dans la tempête, qui a la semblance d’une piscine flottante. Donnant son titre à l’exposition, une série de dessins décrit ensuite ciel et terre, reliés par d’éclatantes trombes d’eaux évoquant des feux d’artifice. La visite s’achève avec cinq films d’animation, méditatifs et mélancoliques, projetés sur d’immenses écrans, variations sous-tendues par une bande-son hypnotique évoquant tout autant Solaris que Mœbius, où des créatures en forme de tentacules d’eau répondent à des grottes organiques pour créer des mondes futuristes inquiétants.
À la Fondation François Schneider (Wattwiller) jusqu’au 24 septembre
fondationfrancoisschneider.org
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