À La Merise, Cédric Deckert cisèle des plats uniques

Photo de Lucas Muller / Lukam

Cuisinier discret, Cédric Deckert cisèle des plats uniques : visite à La Merise, maison de gourmandise sur laquelle scintillent deux Étoiles au Guide Michelin. 

Une bâtisse alsacienne idéale ouverte depuis octobre 2016. Une salle toute en sobriété, où d’amples baies vitrées offrent des échappées sur des paysages idylliques marquant les noces réussies de la Nature et des Hommes. La Merise, dont le nom rappelle le sobriquet des habitants de Laubach, s’Kirschepicker (les picoreurs de cerises), est le royaume de Christelle et Cédric Deckert. L’accueil plein de délicatesse de la première répond à la cuisine à l’identité affirmée, allant droit au but, de son mari, qui revendique « des goûts francs et marqués. Mon objectif est que chacun se souvienne de ce qu’il a mangé. » Son souhait est exaucé avec des compositions aux racines classiques où étincelle une touche de folie, qui ne ressemblent pas à la litanie d’une haute gastronomie où les chefs sont (trop) nombreux à se copier les uns les autres, générant des plats certes instagrammables, mais de plus en plus uniformes. 

Depuis notre dernier passage (voir Poly n°238), la cuisine de Cédric Deckert s’est encore affinée et affutée. En témoigne un avatar glamour à mort de la classique sole meunière : dans une assiette rectangulaire, le poisson est alangui dans un cercle aux nuances d’un vert profond, halo vibratile évoquant curieusement les toiles de Mark Rothko. Voilà jeu géométrique qui répond à celui des saveurs : oscillant entre caractère rassurant d’un mets bien balisé et escapades audacieuses – corail d’oursin vert d’Islande, cornichons aigres-doux et vinaigrette à la tanaisie –, il s’agit d’une absolue réussite, mêlant grâce et gourmandise, porte-étendard d’une cuisine toute d’évidence qui n’est guère démonstrative. On craque aussi pour un “plat signature” à l’intitulé qui sonne comme un programme : Mes Meilleurs souvenirs d’enfance et truffes. Avec cette madeleine de Proust, le chef fait partager ses « repas de famille chez [s]a grand-mère, avec comme idée de base celle d’une soupe à l’oignon alsacienne » servant de fondement à une espuma. Elle se métisse d’une aérienne mousseline de pommes de terre, de délicieux fragments de truffe, de la puissance d’une poudre de Parmigiano Reggiano Vacche Rosse et de minuscules dés de jambon Serrano. Quelques petits croûtons au beurre et autres morceaux d’oignons grillés parachèvent une affaire qui se déguste sans modération aucune, avec le sentiment de toucher à l’essence du goût. La cuisine dénuée d’affèterie et de forfanterie de Cédric Deckert tutoie décidément la troisième Étoile… 

La Merise est situé 7 rue d’Eschbach (Laubach).
Ouvert du jeudi midi au dimanche soir. Menus de 98 à 205 €
lamerise.alsace 

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