La cinquième édition de l’Atoll Festival, dédié au cirque contemporain, se fraie un passage à Karlsruhe dans la crise actuelle touchant les rendez- vous culturels. Une réjouissance qui en appelle d’autres…
Ils avaient illuminé l’édition 2017 avec le foisonnant Il n’est pas encore minuit… la vingtaine de circassiens voltigeurs de la Compagnie XY est de retour. Leur dernière création, Möbius (18-20/09), reste fidèle à leur amour des portés acrobatiques et du collectif. Ici pas de chef. Tout se décide dans le consensus des envies du moment par la démultiplication des vocabulaires artistiques. Loin d’être refermée sur elle-même, la trentaine de membres actifs de la compagnie française s’est tournée vers le chorégraphe Rachid Ouramdane pour apporter un supplément de poésie et gagner en précision des gestes. Leur composition commune s’inspire ainsi de quelques vers de Rilke : « Qu’est-ce le dedans ? / Sinon un ciel plus intense traversé d’oiseaux / Et profond de tous les vents du retour. » Tout en ruptures et changements de rythme, Möbius se nourrit de fulgurances, ressemblant à s’y méprendre à une nuée de volatiles voltigeant dans les airs en arabesques apparemment improvisées. Apparemment seulement.
Suspendant le temps en étirant les perceptions, l’espace se peuple d’apparitions fugaces dans lesquelles s’oublierait presque la technicité de circassiens au sommet de leur art. Changement de style avec les jongleurs fous de la Compagnie Defracto : Dystonie (18 & 19/09) déjoue habilement les attentes habituelles des spectateurs en recherchant des qualités de corps étranges, allant du moche au gag, voire à la maladie. Le titre du spectacle renvoie à une zone sonore hors des fréquences audibles comme à des troubles moteurs entraînant des gestes incontrôlés. Comment jongler lorsque vos membres sont pris de saccades, tremblements et soubresauts ? Par- delà les surprises qui vous attendent, le beau sera définitivement bizarre. Mais n’en doutez pas, toute chute et apparente maladresse est ici volontaire. Tout se joue ailleurs dans « une célébration des êtres vivants et des minéraux. Même si ça a l’air stupide, cela nous paraît important », lancent-ils, bravaches. De l’audace, les Belges du Cirque du bout du monde n’en manquent pas (Der Lauf, 26 & 27/09). Dans une ambiance lynchéenne, se dévoilent cinq courtes pièces mêlant jongleries et jeux absurdes. Le personnage principal, coiffé d’un seau sur la tête, se lance à l’aveugle dans des expériences avec le public pour seul guide. Faire tourner des assiettes sur des baguettes, empiler des verres à pied et des briques en portant des gants de boxe, se mouvoir au milieu de bouteilles de champagne virevoltant tout autour, la catastrophe n’est jamais loin. Et pourtant…
Au Tollhaus (Karlsruhe), du 18 au 27 septembre
atoll-festival.de
tollhaus.de