À corps et à flots
Le collectif Notre Cairn, fédéré autour d’anciens élèves de l’École du TNS, se lance dans une tournée estivale et fluviale à bord d’une péniche avec sa première création, Sur la grand-route de Tchekhov.
Une première pierre lancée avec fougue. L’acte fondateur d’une compagnie revendiquant la notion de collectif artistique depuis sa création. Sur la grand-route est de ces contes sombres qui vous empoignent. Dans la taverne dépeinte par Anton Tchekhov, vagabonds, brigands et voyageurs se réfugient d’un orage grondant au dehors. Il y a là Bortsov, riche propriétaire terrien du coin qui a bu toute sa fortune depuis le départ de sa femme, un commis voyageur, un couple de pèlerins de passage et Mérik, rodeur à tête d’ours, empêcheur de siroter en rond. Dans l’espace tout en longueur de leur péniche, un mur blanc défraichi entoure comédiens et spectateurs, renforçant le sentiment d’enfermement de la pièce. « Nous jouons sur un mètre cinquante de large et douze de long. La proximité avec le public, que nous considérons comme des réfugiés à nos côtés, est incroyable », confie Charles Zévaco, metteur en scène de ce premier projet se déployant avec audace au fil des canaux et des rives du Rhin.
Un premier jet en 2011 avait vu toute l’équipe embarquer plusieurs semaines sur Adélaïde, péniche-théâtre au plafond bas et au roulis permanent, pour partager une étape de travail et une vie commune à bord. La dizaine d’anciens élèves[1. Issus du groupe 39, diplômé en 2011, ces comédiens, metteurs en scène, scénographes, costumiers et régisseurs ont ancré la compagnie Notre Cairn en Alsace] de l’École du Théâtre national de Strasbourg composant Notre Cairn s’est lancée, mue par « l’envie de faire entendre des textes, de donner à voir des corps et d’aller à la rencontre d’un public » à la manière du théâtre populaire itinérant des “Cadets” du TNS dans les années 1950. La nuit qu’ils proposent de vivre avec eux (même si le spectacle ne dure qu’1h25) nous plonge dans un état de veille, entre chien et loup, au cœur d’un squat-refuge rempli de marginaux arborant des looks underground fait de récup’ et d’accumulation de couches de frusques superposées. On y a la descente facile, le spleen sévère, l’envie d’en découdre pour un rien et celle de se fuir soi-même. L’irruption de la responsable des tourments de Bortsov précipitera tout, les masques tombant et les âmes se révélant dans tout leur éclat aux obscurs reflets.
www.lagrandroute.blogspot.fr