Musiques de paix

Portrait de Michael Tippett par Mike Ward

Avec un programme britannique, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg nous entraîne à la découverte de deux odes à paix écrites en pleine guerre, signées Benjamin Britten et Michael Tippett.

Les institutions culturelles strasbourgeoises ont choisi de célébrer avec éclat la Présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe exercée par le Royaume-Uni entre novembre 2011 et mai 2012 en organisant une véritable “mini saison” culturelle anglaise. C’est dans ce cadre que s’inscrit un concert qui débute par la Sinfonia da Requiem que Benjamin Britten composa en 1940. Elle lui fut originellement commandée par… le gouvernement japonais pour commémorer les 2 600 ans de l’Empire. Les références chrétiennes (les titres des trois parties sont signifiants : Lacrymosa, Dies irae et Requiem aeternam) ne plurent guère aux Nippons et, finalement, l’œuvre fut créée à New York en 1941, puis donnée à Londres, en plein Blitz, en 1942. Douleur, effroi, chaos, ambiances funèbres, recherche permanente mais vaine, de l’apaisement… Le bruit et la fureur de la guerre sont la toile de fond d’un requiem sans paroles dans lequel sont perceptibles les réminiscences du célèbre discours de Winston Churchill : « Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, du travail, des larmes et de la sueur. »

Presque contemporain de cette partition symphonique, l’oratorio d’un autre compositeur britannique, Michael Tippett, A Child of Our Time (écrit entre 1939 and 1941) est, pour sa part, inspiré par le meurtre, à Paris, le 7 novembre 1938, de l’attaché d’ambassade allemand Ernst von Rath par un jeune réfugié juif, Herschel Grynszpan, qui servit de prétexte aux nazis pour déclencher la Nuit de Cristal. Dans cette œuvre se fondent de multiples influences musicales : Bach, Haendel, Purcell, Beethoven, Stravinsky, les negro-spirituals, le jazz, le blues… L’arrière-plan intellectuel est a trouver chez Carl Jung comme l’explique Jean-Philippe Heberlé, professeur de littérature et de civilisation britanniques à l’Université Paul Verlaine de Metz et spécialiste du compositeur (il est l’auteur de Michael Tippett, ou l’expression de la dualité en mots et en notes paru chez L’Harmattan en 2006 – www.editions-harmattan.fr) : « La question de la dualité entre le bien et le mal est abordée dans une optique jungienne. Le psychanalyste différencie l’inconscient personnel de l’inconscient collectif, le premier étant lié au passé d’un individu, le second contenant des matériaux ataviques. Tippett, influencé par Jung, développe l’idée que connaître les forces obscures de son inconscient est la condition préalable à une meilleure conscience de soi. »

À Strasbourg, au Palais de la musique et des congrès, jeudi 10 novembre

03 69 06 37 06 – www.philharmonique.strasbourg.eu

 

 

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