Domaines de la solitude
Un ballet, Le Mandarin merveilleux, et un opéra, Le Château de Barbe-Bleue : l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole propose une sombre et extatique soirée dédiée à Béla Bartók.
Unique opéra de Bartók, Le Château de Barbe-Bleue est une fulgurance en un acte : souvent, il est associé à d’autres pièces lyriques, que ce soit Il prigioniero de Luigi Dallapiccola (deux atmosphères oppressantes), La Voix humaine de Poulenc ou Senza Sangue de Peter Eötvös, comme ce fut le cas à Avignon avec la mise en scène de Nadine Duffaut. Cette dernière est présentée à Metz où l’œuvre est montrée avec le ballet sombre et expressionniste du compositeur hongrois, Le Mandarin merveilleux chorégraphié par Gleb Lyamenkoff. Un choix logique et signifiant, tant les deux pièces s’emboîtent avec harmonie, comme celles d’un unique puzzle en forme de variation sur la solitude. Dans la folie de la ville des années 1920, trois voyous forcent leur complice, la prostituée Mimi, à séduire des hommes pour les dépouiller. Les deux premières victimes, un vieux galant et un étudiant, sont trop pauvres… Le troisième, un mandarin chinois, tombe dans les rets de la bande. Il mourra dans une sarabande macabre où l’amour a plus de place que la violence sur une musique « élaborée à la manière symphonique. C’est un poème sur lequel on danse », écrivait le compositeur.
Le Château de Barbe-Bleue est une partition plongée dans le tourbillon du XXe siècle mise au service d’une histoire tirée du conte de Perrault, celle d’une femme, Judith, arrivant dans la forteresse de son nouveau mari, Barbe-Bleue, dont elle est la quatrième épouse. Dans une immense salle, elle se trouve face à sept portes que le Duc, par amour lui laisse ouvrir, sauf la dernière. On connaît la suite… Nadine Duffaut installe cette fable dans un décor à l’extrême dépouillement. Le plateau nu est orné d’un unique trône au dossier démesuré possédant une inquiétante raideur. Des vidéos défilent en fond de scène manifestant de manière allégorique et subtile ce qui se trouve derrière chaque porte. « Tout vient de toi. Tout est dans toi. Tout rentre dans toi », résume la metteuse en scène pour décrire ce “château intérieur ”, où le solitaire « Barbe-Bleue est son propre bourreau. Le sang omniprésent dans l’ouvrage est le sien. C’est l’exposition de sa vie dont il s’agit : son enfance malheureuse, sa maturité combattante, sa vallée de larmes. Point de femmes tuées, mais la déception de ne jamais avoir trouvé la compagne idéale. »