Théâtre avec vue

Pour sa dernière saison à la tête du Théâtre du Peuple, Pierre Guillois signe deux mises en scène à l’inventivité débridée, cousues sur mesure pour ce lieu atypique : une tragi-comédie industrielle, Le Brame des biches et un cabaret spectral, Grand fracas issu de rien.

C’est au bout du bout du monde. Tant pis, ou plutôt tant mieux. Car l’air qu’on y respire n’est pas bénéfique uniquement pour les poumons : il rafraîchit aussi les idées. Bussang, perdu au creux des Vosges, n’est certes pas le village le plus glamour de France. C’est pourtant là que se produit un petit miracle, chaque été depuis plus d’un siècle. Le Théâtre du Peuple, sorte d’ovni dans le ciel culturel, abrite dans son décor idyllique une singulière ébullition créative, une vision artistique au grand air. Depuis six ans, c’est celle de Pierre Guillois qui dessine l’horizon de ce lieu à nul autre pareil. Un dernier regard, cet été avec une programmation ébouriffante en guise d’au revoir.

En matinée, une pièce d’une jeune auteure, Marion Aubert : à la fois fresque historique et comédie de mœurs, Le Brame des biches évoque l’âge d’or de l’industrie textile dans les Vosges, vers 1890. Les grèves éclatent, l’amour s’ébat sous toutes ses formes, la vie déborde au milieu d’une misère sans nom et les femmes s’entichent de liberté. « La mise en scène de cette pièce aura à cœur de donner aux spectateurs les multiples dimensions de ce texte : mélodrame social, pièce féministe, œuvre baroque et naïve, fantaisie érotique… C’est avant tout un extraordinaire terrain de jeu pour les acteurs, qui devrait assurer un spectacle jouissif et stimulant », annonce le metteur en scène Pierre Guillois. Près de quarante comédiens et figurants, professionnels et amateurs, portent ce « gros et grand spectacle à vocation populaire ».

Grand spectacle aussi en soirée, avec une création collective orchestrée par le même Pierre Guillois : Grand fracas issu de rien, où les textes de Valère Novarina croisent les airs de Purcell, Gounod, Bernstein, où un jongleur de mots s’amourache d’une hystérique soprano, où l’insensé côtoie le merveilleux… En quelques mots, un cabaret fou et périlleux ! « Ce spectacle est avant tout organique et chaque artiste a pour mission de toucher un endroit spécifique de la sensibilité potentielle des hommes et des femmes qui y assistent », explique le metteur en scène. « Ainsi, l’acteur et ses mots s’adressent-ils surtout au cerveau humain. La chanteuse prendra un malin plaisir à titiller notre oreille, entrée directe sur notre cœur. Les mouvements du gymnaste auront comme tâche de secouer notre propre carcasse. Le jongleur s’adresse, quant à lui, à la part la plus enfantine de notre être, à notre capacité à accepter l’illusion, à la réclamer comme le sésame d’un paradis perdu. Le percussionniste, enfin, vise nos articulations, nos os, nos viscères. » Tous s’en donnent à cœur joie, visent le vertige, cherchent à faire vaciller le public vers de troublantes émotions.

À Bussang (88), au Théâtre du Peuple, Le Brame des biches, du 14 juillet au 27 août à 15h et Grand fracas issu de rien, du 3 au 27 août à 20h30
03 29 61 50 48 – www.theatredupeuple.com

vous pourriez aussi aimer