Bienvenue en Novalangue: Valère Novarina et son Acte inconnu
Le Théâtre national de Strasbourg accueille jusqu’au 21 mars Valère Novarina et son Acte inconnu. Un théâtre de mots entièrement tourné vers la parole…
Insaisissable, fiévreuse, remuante, déstabilisante, drôle, incroyablement riche et étonnante, telle est cette pièce de Valère Novarina. Créé en Avignon en 2007, L’Acte inconnu déroule sur près de 2h20 son flot de mots et de comédiens. Douze apôtres au service d’une langue : le Déséquillibriste, le Coureur de Hop, le Bonhomme Nihil, Raymond la Matière, Jean qui Corde, le Chanteur en Catastrophe, la Dame de Pique, la Femme Spirale, le Chantre, l’Homme Nu, l’Ouvrier du Drame et, bien entendu, l’Esprit. Dans un jaillissement ininterrompu d’inventions lexicales et de jeux, l’histoire de l’homme, son rapport à Dieu, au monde et à lui-même se voient, dans un même mouvement, déconstruits et réinventés, questionnés et bousculés.
Les mots, les ritournelles et les proverbes sont passés à la moulinette de l’esprit en ébullition d’un auteur avouant vouloir « mettre la langue dans un état de printanière germination ». Naissent des mots-valises, des trouvailles lexicales qui se laissent difficilement apprivoiser à la première écoute. Le spectateur assiste à la création d’un monde entièrement dictée par la langue de Novarina. Sa « messe pour marionnettes » (nous, les Hommes) déclare la guerre à notre société de consommation symbolisée par la « Machine à dire beaucoup » (pour ne rien dire). En point de mire, une invitation immédiate à changer notre regard sur les choses, à ouvrir la boîte de pandore langagière, à considérer Dieu en regard de son anagramme approximatif (Vide)…
Si l’on avoue avoir par moment décroché sous les assauts verbaux de la pièce, l’incroyable énergie des comédiens et la poésie du texte nous rattrapent toujours au vol. Ce théâtre mérite beaucoup plus qu’un public se laissant porter. On lui doit une écoute attentive, un œil aiguisé dans un décor minimaliste mais graphique et, surtout, une lecture rétroactive du texte qui seule en dévoilera toute la richesse. J’y vais d’ailleurs de ce pas…