Bons baisers de Russie

Depuis cinq ans, le Teatr Licedeï parcourt l’Europe avec Semianyki, spectacle à l’humour corrosif et décapant sur la famille. Entre clowns et pantomimes, voyage dans le chaos quotidien d’une fratrie russe.

Fondé en 1968 à Leningrad par six artistes, ce théâtre de clowns et de mimes n’a eu de cesse de porter un regard critique, amusé et acerbe sur son pays et les comportements de ses concitoyens. Malgré une absence totale de mots, leurs spectacles ne seront jamais du goût des autorités de la grande URSS. Seuls la ténacité et le talent de ces agités du geste leur permettront d’obtenir des bons de sortie pour se produire dans les plus grands festivals du monde. Avec la fin du bloc soviétique, Saint-Pétersbourg remplace Leningrad et les fondateurs de ce qui est devenu une École de clown au sein de l’Académie Théâtrale de l’Université voient leur avenir s’ouvrir. La plupart réalisent leurs envies d’ailleurs en poursuivant une carrière solo ou en intégrant le prestigieux Cirque du soleil. L’âme de Licedeï est confiée à la relève, de jeunes artistes aussi doués et frappadingues que leurs aînés. Exit les nez rouges. Place à la mise en abîme, à l’abolition des frontières du théâtre, de la musique et des genres.

Par-delà les rêves
Semianyki – la famille, en russe – est nourri à l’atmosphère brutale du réel : un père complètement alcoolo, une mère à deux doigts d’accoucher et quatre enfants jouant à qui sera le plus terrible ! S’appuyant sur une vive folie poétique et une totale absence de logique narrative, cette fratrie nous emmène au bout de ses rêves cauchemardesques et surréalistes. Les relations familiales détraquées sont brocardées sans ménagement avec, comme souvent dans les spectacles venus de l’Est, une violence contenant cette dose d’amour immense qui bouleverse nos sentiments. Dans ce quotidien fait de bric et de broc, tout apparaît laid, foutraque et injuste. On rit de l’humour noir et du grotesque irriguant les dix-neuf tableaux qui se succèdent sur un rythme effréné, mais dans un capharnaüm scénique maîtrisé. Chacun défend sa place avec panache, audace et inventivité. Les bravades face à l’autorité parentale sont une obsession, l’acharnement sur le plus faible que soi une règle, les coups bas un moyen pour arriver à ses fins, et la prise à partie du public un plaisir partagé (préparez-vous, entre autres, à une bataille de polochons dantesque et à un concert sous la coupe dictatoriale d’un chef dangereusement pointilleux). Au milieu des poussettes instables, d’un rocking-chair pour cinq, d’une partie de hockey sur draps, de poupées décapitées par le petit dernier, les cœurs de cette tribu de clowns battent d’un même rythme : rapide, intense et aussi diablement cruel que généreux.

À Mulhouse, à La Filature, du 25 au 27 novembre 2010
03 89 36 28 28 – www.lafilature.org

À Haguenau, au Théâtre de Haguenau, mardi 6 décembre 2011
03 88 73 30 54 – www.relais-culturel-haguenau.com

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