Le Grand frisson

Paul Sérusier, Pins et peupliers, collection particulière, Londres / Photographie François Fernandez

Avec sa nouvelle exposition, le Musée Courbet questionne la nature qui lance un défi artistique aux peintres : comment la faire ressentir sur la toile plutôt que simplement la montrer ? À travers une cinquantaine d’œuvres, nous approchons cette quête sensuelle qui a obsédé les plus grands maîtres.

Le vent dans les feuillages n’est pas qu’un mouvement visible. Il est musique, caresse, odeur. La vérité des éléments n’est pas dans leur copie figée, mais bien dans leur perception… Tel est l’objet de l’exposition Sensation de nature. Vers 1850, une révolution esthétique est en marche, cherchant à traduire le tourbillon d’émotions traversant le corps et l’esprit au contact de la nature. C’est aussi un nouveau rapport au monde, plus personnel, plus intériorisé, qui s’annonce. À l’honneur dans son musée, Gustave Courbet fut l’un des pionniers de ces métamorphoses. L’épaisseur de sa pâte, l’utilisation, parfois, de substances terreuses, confèrent à ses paysages une dimension physique et tactile qui fit dire à Miró, passant devant l’une de ses œuvres au Louvre : « Même si ce tableau avait été dans notre dos, nous l’aurions senti. » Avec Courbet, c’est la présence du monde qui surgit de la toile, et non plus sa représentation. Le Chêne de Flagey (1864) exprime à lui seul cette puissance tellurique, tout comme Paysage d’hiver réveille en un regard l’effet du flocon qui effleure la peau et le bruit des pas crissant dans la neige immaculée.

Le maître de la sensation demeure Paul Cézanne, dont les tableaux introduisent l’exposition. En exprimant l’intensité de son rapport à la nature, il tente de recréer « le torrent du monde dans un pouce de matière », atteignant un équilibre parfait entre simplicité et densité, à l’image de ses Baigneurs. Chez les impressionnistes, la perception des palpitations de la nature sont transcendées jusqu’à atteindre une dimension quasiment métaphysique. Le Chemin sous bois en été de Pissarro apporte à l’âme un souffle de fraîcheur, en écho à la sensation physique de bien-être que procure un coin d’ombre en pleine chaleur. L’extraordinaire lumière de La Seine à Port-Villez peinte par Monet apaise l’esprit comme le souvenir palpable d’un instant de plénitude fugace où tous les sens vibrent en harmonie. Au début du XXe siècle, le geste intuitif gagne du terrain, frôlant parfois l’abstraction. Les troublants paysages de Sérusier où l’on pénètre tout entier côtoient les visions enchantées de Bonnard, les formes contrastées de Fernand Léger et les vertiges de Nicolas de Staël. Avec ses arbres en marbre de Carrare, le contemporain Giuseppe Penone conclut cette pérégrination dans l’intime des sensations.

À Ornans, au Musée Courbet, jusqu’au 12 octobre

+33 (0)3 81 86 22 88 www.musee-courbet.fr

 

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