Un road movie en compagnie d’un Don Quichotte contemporain : voilà comment se présente le dernier opus de Christian Lax, Un Certain Cervantès.
L’histoire débute avec Cervantès, Mike de son prénom, engagé dans les Marines après quelques problèmes liés à la marijuana avec la justice et envoyé en Afghanistan. Seul survivant d’une embuscade, il est fait prisonnier par les Talibans et souffre le martyr dans une grotte alors qu’il a perdu sin avant-bras gauche. Le parallèle avec Cervantès, Miguel de son prénom débute : lui aussi avait été gravement blessé au bras gauche pendant la bataille de Lépante opposant la flotte de la Sainte Ligue aux bateaux ottomans. De retour au pays notre désormais vétéran découvre le héros picaresque : au fil des 200 pages de ce passionnant roman graphique, les deux destinées s’entrecroisent jusqu’à se confondre. Mike deviendra le Don Quichotte des temps modernes. Son Sancho Panza est un clandestin péruvien tandis que Rossinante s’incarne dans une rutilante Ford Mustang ! Voilà notre héros luttant contre toutes les injustices de la société, terrassant d’improbables moulins à vent dans un aller retour permanent entre réalité et fiction, présent et passé. Le génial créateur du Choucas s’en donne à cœur joie, brocardant avec jubilation la société américaine : son personnage casse la gueule à un télévangéliste, sauve des livres (signés Bukowski, Burroughs, Shelby…) de la censure débile d’un directeur de bibliothèque qui ne fait qu’obéir servilement à des ordres venus d’en haut ou dénonce avec virulence le contrôle opéré sur nos existence par Internet. L’album est drôle et désespéré, tendre et tragique… et le trait de l’auteur de Pain d’alouette, au sommet de son ar, nous emporte – en compagnie de certaines vignettes cultes de Gustave Doré – dans une Amérique contemporaine d’une altière tristesse au milieu des mesas qui servirent de décor aux westerns de John Ford.
