Une Cathédrale sonore
Dans le cadre des célébrations du Millénaire des fondations de la Cathédrale de Strasbourg, l’OPS propose un voyage sonore dans une arche de grès dont aiguilles et dentelures « semblent appartenir à une cristallisation gigantesque », pour reprendre les mots de Nerval.
Une nef immense. Recueillement et silence. Notre-Dame de Strasbourg – malgré son acoustique complexe – est un lieu privilégié pour donner un concert. Question d’atmosphère… Afin de célébrer les mille ans de ses fondations, Marko Letonja, après une Symphonie n°2 “Résurrection” de Mahler très réussie l’année passée, a choisi de nous inviter à « un voyage dans le temps en lien avec la Cathédrale, du XIIIe au XXIe siècle ». Il débute avec les Beata Viscera de Pérotin, un des pères de la musique occidentale, pour se poursuivre avec des pages de François-Xavier Richter et Ignace Joseph Pleyel qui furent tous deux maîtres de chapelle à Strasbourg (le premier jusqu’en 1789, le deuxième juste après). Du second nommé, on découvrira le Tocsin de la Révolution du 10 août, composition passionnante au point de vue historique, puisqu’elle est un exemple précoce de ce que la dictature peut générer sur le plan musical. Elle commémore en effet le deuxième anniversaire de la journée du 10 août 1792 marquant la fin de la Monarchie avec la prise des Tuileries. Menacé par la Terreur, Pleyel exalte de manière spectaculaire le nouveau régime. Également programmés sont les rares Cloches de la Cathédrale de Strasbourg de Liszt ou le douloureux Chant des Déportés de Messiaen.
Mais la pièce maîtresse de ce concert est It is Finished : a Ritual for Strasbourg Cathedral de Sir John Tavener, dernière partition que son auteur ait pu achever avant sa disparition, en novembre 2013. « Pour cette création mondiale qui évoque par certains aspects la tradition grégorienne, instrumentistes et chanteurs sont disposés en quatre groupes, en forme de croix », explique Marko Letonja. On y retrouvera la vision mystique et syncrétique de l’auteur de The Veil of The Temple (2003), pièce monumentale de sept heures embrassant la religion orthodoxe – à laquelle il était converti –, mais aussi l’islam, l’hindouisme, le bouddhisme, le judaïsme et les croyances des Indiens d’Amérique. D’un accès facile, la musique de celui qui avait connu le succès à 24 ans avec The Whale (enregistré sur le label des Beatles, Apple Record) fascine. Pensons à des œuvres comme The Song for Athene (1993), joué aux funérailles de Lady Diana, en 1997. À la mémoire de la Princesse du Galles, il écrivit aussi Eternity’s Sunrise tandis qu’il dédia Ex Maria Virgin à la nouvelle duchesse de Cornouailles, Camilla Parker Bowles, et au prince Charles pour leur mariage en 2005.
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