African problems
Seun Kuti exhibe la flamme afrobeat à travers le monde, accompagné du mythique groupe Egypt 80. Digne fils de son père, il fera brûler les planches schilikoises tout en criant sa rage face aux malheurs frappant le Nigéria.
Il se tient droit, beau et fier. Torse nu, muscles saillants, son saxophone en étendard, le poing levé vers le ciel. Il chante pour ses frères africains vivant dans la misère mais dilue sa colère dans des lignes funk venues du pays de James Brown, des ondes groovy cuivrées, des rythmes de highlife de son continent. Fela ? Son fils Femi ? Eh non, Seun, le plus jeune des Kuti, qui continue le combat de papa, près de vingt ans après son décès. Un héritage à porter, un trésor familial à transmettre. Celui de Fela Anikulapo Kuti, né en 1938 et mort du Sida en 1997, après une vie mouvementée de politique (au sein du Movement of the People), de bataille contre la corruption, de sexe, de drogue et d’afrobeat, mouvement musical capital qu’il inventa à la fin des sixties et qui continue d’irriguer bien des compositions actuelles, tous genres confondus, du jazz au rock en passant par les musiques répétitives (Brian Eno est fan), largement au-delà de Lagos. Grâce à celui qui fut célèbre pour ses frasques avec la justice (problèmes de stups) et son appétit sexuel (vingt-sept femmes, quand même !) autant que pour ses talents de multi-instrumentiste de génie, le Nigeria n’est pas uniquement synonyme de régimes dictatoriaux militaires, mais aussi de musique engagée, qui résonne positivement de par le monde.
Dans la famille Kuti, on connaissait aussi Femi, son élégance, ses danses hypnotiques, ses tubes (Beng Beng Beng)… Il faut également compter avec Seun, auteur de trois albums hyper-percutants, artiste baignant dans la musique depuis toujours et qui intégra l’orchestre de Fela avant de souffler ses dix bougies. Le petit dernier de la fratrie Kuti, comme son paternel, préfère chanter et danser plutôt que de se courber face à la pauvreté, la maladie dévastatrice, les exactions de Boko Haram. Avec ses protest songs funky en diable, la chanteur et musicien charismatique s’insurge contre les banques qui dictent leurs lois (il a renommé le FMI International Mother Fuckers), le fossé se creusant encore entre classe dirigeante et peuple : on se retrouve propulsé dans un continent s’embrasant, mais se tenant debout, dynamisé par un beat imparable. L’artiste activiste sait que la musique est un magnifique vecteur pour s’exprimer et se faire entendre. Sur les planches, c’est une furie, sautant aux quatre coins de la scène, envoutant son public d’un jeu de jambes magnétisant, accompagné par les quatorze musiciens d’Egypt 80, big band de luxe ayant fidèlement suivi Fela durant sa prospère carrière et qu’il dirige depuis sa disparition. Afrobeat it !
(+352) 495 485-1 À Schiltigheim, à la Salle des Fêtes, mercredi 20 mai 03 88 83 84 85