A History of violence

Marc Bauer fait son Cinerama au Fonds régional d’art contemporain Alsace. Le plasticien suisse, qui trempe son fusain dans la noirceur des longs métrages d’Eisenstein, de Fritz Lang ou de Murnau, expose ses dessins expressionnistes et son propre film.

Selon Olivier Grasser, directeur du Frac, le plasticien né en 1975 à Genève est à la fois « classique dans son usage du dessin et singulier par la mise en scène, la multiplicité des supports, des formats et des espaces où il se développe. Il ne s’agit pas d’un travail préparatoire : c’est un langage à part entière. » Nous sommes accueillis par une image murale, telle une monumentale fresque, représentant une salle de cinéma imaginaire des années 1930 / 40 où trône un écran blanc. Chacun y projettera son film intérieur, « ses affects et fantasmes », précise Marc Bauer qui attend du spectateur qu’il « comble les vides avec son histoire personnelle ». Le ciné irrigue ses travaux qui sont autant d’arrêts sur image. Plongée, contre-plongée ou gros plan : ses dessins reprennent le vocabulaire du septième art et l’on ne s’étonnera guère de découvrir son propre film (d’animation), L’Architecte, mis en musique par le groupe de post-rock Kafka. Il s’agit d’une sorte de diaporama animé à l’esthétique de Super 8 poussiéreux, où les personnages bougent de manière saccadée et la narration, non linéaire, conte l’histoire d’un jeune garçon assistant à la première de Nosferatu, à Berlin, en 1922 avant d’être propulsé dans l’horreur de 1939-45. La guerre, le nazisme et les totalitarismes hantent l’œuvre charbonneuse de Marc Bauer où se mêlent faits historiques, plans de films et éléments biographiques, créant des analogies dans un temps fragmenté « où les motifs se répondent ».

http://www.youtube.com/watch?v=mFIz6UkvyL8

Cette notion de montage se retrouve dans ses séries. L’une d’entre elles se compose de dessins reprenant des scènes du Cuirassé Potemkine ayant une connotation sexuelle (un canon levé vers le ciel, etc.). Pour la compléter, l’artiste s’est rendu, en 2009, à Odessa, où a été tourné le chef-d’œuvre d’Eisenstein : les images qu’il a ramenées composent un carnet de bord de ce voyage. Y sont adjointes, deux copies de dessins violemment pornographiques du cinéaste « qui a toujours caché son homosexualité et n’a jamais pu vivre son amour librement ». Ainsi, pêle-mêle, les prémices de la révolution bolchévique, les tensions ukraino-russes, la difficulté de vivre ouvertement sa sexualité, la grande et la petite histoire se télescopent. Marc Bauer a choisi de parler de sujets forts via un médium éphémère, « voué à disparaître »… comme la mémoire.

À Sélestat, au Frac Alsace, jusqu’au 22 février

+33(0)3 88 58 87 55

www.frac.culture-alsace.org

www.marcbauer.net

 

 

 

 

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