Les Temps modernes
Inspirée par le passé et l’architecture de la Kunsthalle de Mulhouse, l’exposition d’Anna Ostoya s’inscrit dans une investigation historique, reflétant continuité et rupture. La série Transpositions questionne le processus de travail comme partie prenante de la création artistique.
Anna Ostoya aime se créer des contraintes. Lutter contre l’impossible, risquer l’échec. Et finalement s’accorder la liberté de transgresser ses propres règles face à une nécessité esthétique plus forte qu’un impératif conceptuel. Pendant huit mois, l’artiste polonaise qui vit aujourd’hui aux États-Unis a suivi un mode de production directement inspiré par l’ancienne fonderie mulhousienne, dont les beaux jours ont cessé dans les années 1980. La série Transpositions découle ainsi d’une réflexion sur les pratiques et les procédures de travail présentes et passées. Ce faisant, Anna Ostoya réfléchit au rôle et à la place de l’artiste dans la société, à la fois esprit libre, entrepreneur et travailleur. De quoi remettre en cause les stéréotypes. « Elle juxtapose la notion de l’art comme mode d’expression émotionnel, spontané et désintéressé avec celle d’une entreprise rationnelle, contrôlée et déterminée », explique Martha Kirszenbaum, commissaire de l’exposition.
Les dix larges panneaux horizontaux d’un mètre sur deux qui constituent la série sont construits sur un leitmotiv : un carré – forme prisée par les modernistes et les suprématistes pour sa pureté – transposé sur chacune des dix séquences, « à la manière d’une chaîne de montage ouvrière. La transposition reflète la méthodologie d’Anna Ostoya autant que le mouvement propre du carré d’une toile à l’autre, tout en faisant référence au transfert d’idées et de formes entre différentes cultures et générations. » Dans son travail, la plasticienne porte une attention particulière au recyclage, n’hésitant pas à réutiliser les composantes de ses œuvres précédentes, de la précieuse feuille d’or au quotidien papier journal, de l’industrielle plaque d’aluminium à l’organique hémoglobine. Le choix du matériau répond rarement à une recherche esthétique, toujours à une signification symbolique. Sans barrière dans l’hétérogénéité des techniques, elle mêle peinture à l’huile, acrylique, feuille de palladium, laque, qu’elle découpe, colle, appose, transpose. À travers ses collages, elle déconstruit pour reconstruire à partir de fragments, comme une continuité qui trouverait de nouvelles significations. Une manière de s’inscrire dans l’histoire de l’art qu’elle considère comme un matériau en soi, s’appropriant certains grands courants du XXe siècle – constructivisme, dadaïsme, art informel, expressionnisme et minimalisme – mais transformant le sens de ces conventions pour mieux s’en émanciper.
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