And Here I am, histoire vraie bouleversante signée Zoe Lafferty
Artiste militant né dans un camp de réfugiés en Cisjordanie, Ahmed Tobasi raconte son histoire avec And Here I am, dans une mise en scène de Zoe Lafferty.
Entre 1987 et 1993, le peuple palestinien se soulève contre l’armée israélienne : c’est la première intifada. Ahmed Tobasi voit le jour au début de cette révolte, au milieu du camp de Jénine, au nord-est de Tel-Aviv. En 2002, lors de la deuxième intifada (2000-2005), il rejoint la lutte à tout juste 15 ans. Vingt-quatre mois plus tard, il est fait prisonnier et finit par rencontrer le comédien et activiste Juliano Mer-Khamis, avec qui il fonde The Freedom Theatre, en 2006. Libéré en 2008, le jeune homme s’exile en Norvège, où il suit une formation d’acteur et de metteur en scène. Lorsqu’il revient au camp de Jénine, en 2013, il choisit la voie du théâtre politique comme forme de résistance. « Je suis obsédée par le fait que cette histoire soit vraie », confie Zoe Lafferty, metteuse en scène et directrice associée au Freedom Theatre. En 2017, avec l’auteur irakien Hassan Abdulrazzak et Ahmed Tobasi, elle décide de monter And Here I am afin « d’explorer à quel point les jeunes gens du camp n’ont toujours ni choix, ni chance », poursuit- elle, annonçant que la situation internationale actuelle ne modifie que de petites choses dans l’œuvre initiale. Se glissant à nouveau dans les différents âges de sa vie, Ahmed fait de son expérience un récit universel, partagé entre tristesse, appréhension et résilience. « Le but n’est pas de proposer une forme de tragique oppressant, mais d’apporter une note d’espoir », précise Zoe Lafferty. Et de continuer : « C’est assez drôle, car quand il parle de tout ce qu’il a vécu, il le fait avec un certain humour. Ça fait partie de son caractère, donc nous avons fait en sorte de garder cet aspect dans la pièce. »
En témoigne la scène où, lors d’un affrontement, il doit jeter des explosifs… mais se trompe et envoie, à la place, son briquet. « Ce genre de choses est assez délicat à retranscrire, ce n’est pas de l’exagération, c’est juste la façon dont ça s’est passé », reprend la metteuse en scène. « On ne peut pas non plus parler de toutes les horreurs qu’il a traversées, mais en faire ressortir le côté humoristique est une façon de les alléger, de ne pas plomber le public. » Au plateau, les événements se déroulant à Jénine et dans le désert se trouvent matérialisés par des décors spartiates – vieilles couvertures disséminées sur le sol, gaz grisâtre, sacs poubelle –, des « déchets » réutilisés au fil de la pièce : de simples morceaux de bois à moitié ensevelis dans du sable deviennent ainsi des baguettes de tambour, un baril déformé se transforme en caisse de résonance… Se replonger dans son passé est aussi l’occasion pour l’artiste de rendre hommage aux personnes qui l’ont accompagné. Le long de murs sombres, les photos de ses amis se succèdent, tout comme – plus surprenant peut-être – une affiche de la pièce Alice au Pays des merveilles, créée par The Freedom Theatre et co-dirigée par Zoe Lafferty, ainsi que le mentor du jeune homme, Juliano Mer-Khamis. « Il a été assassiné en 2011, alors qu’elle tournait encore. Pour nous, il était nécessaire d’utiliser cet épisode pour en faire de l’art », conclut-elle.
Au Théâtre national de Strasbourg du 25 février au 7 mars