B.B Jacques, petit prince ovni du rap

B.B Jacques © Antoine Coulon

Délibérément en rupture avec les canons du genre, B.B Jacques marque la planète rap d’une empreinte indélébile avec BLACKBIRD.

« Dix ans que j’écris, sept ans que je structure une direction artistique, cinq ans que je forme une équipe et onze mois que je suis dans le game. » Voilà ce que clamait B.B Jacques en 2022, devant les jurys de Nouvelle École sur Netflix, avant de lâcher un freestyle lui valant l’ovation de son auditoire. Révélé devant les caméras du programme, il dévoile la même année pas moins de trois albums, Poésie d’une pulsion (partie I et II) et NEW BLUES, OLD WINE, à la qualité indiscutable. Une tournée ainsi que quelques EPs s’enchaînent et le rappeur s’ancre toujours un peu plus dans le paysage musical français. Une ascension fulgurante, qu’il doit notamment à un décalage total avec la plupart des propositions actuelles, déployant un phrasé décalé, tantôt acclamé, tantôt décrié. Se qualifiant lui-même d’« anti-héros » de la scène hexagonale, il pose ses flows à contre-courant d’un rap conventionnel, davantage inspiré par un Bukowski ou un Éluard que par l’un de ses pairs. N’ayant que faire du rythme et des rimes, il offre une place toute particulière au verbe. N’en déplaise à ses détracteurs, peu importe si les mots ne s’accordent pas ou que ses placements soient à contretemps, pourvu que la vision de son monde soit partagée. Pour rendre son message impactant, il use, sans tergiverser, d’obscénités, faisant par ailleurs de l’expression « fuck off » sa marque distinctive.

JAMAIS COMME AVANT – B.B Jacques


D’origine libanaise, Tino (l’un de ses alias) reste toutefois discret sur sa vie privée. À travers ses textes, l’on devine néanmoins une enfance en banlieue parisienne, ne manquant de rien, mais loin de rouler sur l’or. Avec son nouvel opus BLACKBIRD, il narre, sous forme d’ego-trip tranchant, sa capacité à gravir les échelons dans la société grâce à l’écriture et la musique, sans pour autant se vendre aux producteurs véreux : « L’Arabe est devenu riche, l’Arabe est devenu riche / J’serai plus fauché comme avant, jamais comme avant », scande-t-il sur le refrain de JAMAIS COMME AVANT. Misant sur l’indépendance depuis ses débuts, il ne cache pas sa fierté d’avoir réussi à se sortir de la pauvreté seul. Sur SOLDAT D’ÉLITE, B.B Jacques n’hésite pas à valoriser sa méthode, qu’il juge purement artistique, contrairement à une grande partie de l’industrie : « Garde ton buzz, garde tes miss / J’garde pour moi mes problèmes, mes factures / Qu’est-ce que tu crois ? Qu’il est tombé du ciel cet oseille ? / Ils ont pas la main sur leur biz’ et ils parlent de cash ». Conscient qu’il ne fait pas l’unanimité, il affiche une confiance inébranlable en son destin – ses multiples références au mythe de Pygmalion en témoignent –, ayant la certitude qu’« ils comprendront plus tard, c’est comme Van Gogh, Les Fleurs du Mal » (PATRON). Après tout, comme ceux qui l’inspirent, ce sont bien souvent les plus grands artistes qui demeurent incompris.


Au Musée Würth (Erstein) vendredi 7 février

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