Ma solitude

Entre folie et enfermement, Guillaume Sorel adapte Le Horla de Maupassant, proposant un voyage graphique et littéraire aux confins du fantastique.

Faire de certains romans – comme Salammbô de Flaubert – une bande dessinée ressemble à une chose très naturelle. Pour Le Horla de Maupassant, cela apparaissait de prime abord… impossible. Mais c’était sans compter sur le talent de Guillaume Sorel, « passionné par la littérature européenne du XIXe siècle et par le fantastique ». Pour lui, cet exercice périlleux est « une évidence. D’autant que j’ai longtemps vécu à quelques encablures du cadre où se déroule l’action » précise-t-il. Dans ce premier opus d’une trilogie romanesque normande (avec Le Bonheur dans le crime, nouvelle tiré des Diaboliques de Barbey d’Aurevilly, et Un Cœur simple, un des Trois contes de Faubert), l’auteur s’en sort avec maestria, inventant quelques artefacts scénaristiques rendant l’adaptation d’un texte qui se présente sous la forme d’un journal intime brillante et vraisemblable. Pour ajouter de la fluidité dans la BD et créer des dialogues, Guillaume Sorel a ainsi introduit un chat avec qui le personnage central parle régulièrement.

L’histoire est bien connue. C’est celle d’un homme qui sent la présence oppressante d’un être invisible jusqu’à sombrer dans la folie. À quoi ressemble ce Horla ? Pas de réponse chez Maupassant… Guillaume Sorel lui donne les traits d’une créature translucide, gobant l’âme et l’esprit du personnage comme une angoissant goule qu’on dirait sortie de l’univers de Lovecraft. Extrêmement fidèle au texte – à peine une scène au Jardin des Plantes avec une panthère noire est-elle ajoutée – cette bande dessinée est une absolue réussite où le lecteur s’amusera à découvrir de multiples clins d’œil et références, de Caspar David Friedrich (la couverture) à Toulouse-Lautrec, en passant par Manet, Degas ou Renoir. Il en ressortira essoré, avec l’impression d’avoir traversé une habile réflexion sur « la solitude qui est, au-delà du caractère fantastique du Horla, le thème essentiel que développe Maupassant » pour Guillaume Sorel qui a déjà quitté sa chère Normandie puisque son prochain opus – sur une scénario de Serge Le Tendre – se déroulera à… Babylone.

Le Horla est paru chez Rue de Sèvres (15 €)

www.facebook.com/ruedesevresBD

 

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