À Sarrebruck, Les Saintes Écritures met en lumière le travail de Marc Chagall autour de l’Ancien Testament.
Dans les collections du Saarlandmuseum se trouvent quelque 500 œuvres sur papier – gravures et autres lithographies – de Marc Chagall (1887–1985). Au sein de cet ample corpus, un bon tiers est dédié à des thèmes bibliques. Dans un siècle où nombre d’artistes auront exploré ad nauseam le credo nietzschéen de la mort de Dieu – surtout après Auschwitz –, l’enfant juif de Vitebsk (aujourd’hui en Biélorussie) fait figure d’exception avec ses compositions pétries d’œcuménisme, comme s’il donnait un message d’espoir et de paix pour réponse aux auteurs des monstrueux pogroms de sa Russie natale. Au cours d’un voyage en Terre sainte de 1931, il écrit : « Ici, on ressent que le judaïsme et le christianisme ne forment qu’une seule et même famille. C’était un tout et des démons sont venus qui ont tout détruit et divisé. » Que ce soit dans le numéro double publié en 1956 de la revue Verve (éditée par le critique d’art Tériade) ou dans un portfolio intitulé Histoire de l’Exode (1966), il ne cesse de se colleter avec ces thématiques, une relation qui culmine dans le célèbre cycle du Message Biblique exposé à Nice, incluant notamment cinq incroyables toiles évoquant le Cantique des Cantiques.
Dans cette exposition, se déploie la vision d’un artiste trans- porté par un idéal de fraternité et d’amour : ainsi, dans l’épisode de David et Bethsabée (1956), rassemble-t-il les amants adultères dans un seul visage plein de douceur, surmonté d’un ange bienveillant. À rebours de bien d’autres représentations, Chagall insiste sur l’humanité (et la faiblesse) des deux protagonistes, laissant de côté le tragique de l’affaire. Il en va de même dans La Danse de Myriam (1966), où la sœur de Moïse entraîne, un tambourin à la main, toutes les femmes (mais aussi quelques animaux visiblement heureux) dans une danse frénétique célébrant le passage de la mer Rouge. Car le message de l’artiste est celui de la joie, que ce soit dans une Création (1958-59) extraordinairement apaisée, malgré des teintes où des bleus sourds voisinent avec des gris lumineux – dans laquelle Adam et Ève font une ronde avec poissons, chèvres et autres volatiles au cœur d’un paysage arcadien dont le satané serpent a été gommé –, ou avec une vision saisissante de Moïse recevant les Tables de la Loi (1956). La main de Dieu jaillit d’un nuage noir face à un prophète qui semble pénétré par la gravité de sa mission. On reste admiratifs face à des pièces d’un profond mysticisme où les influences – du Greco aux icones orthodoxes – abondent, habitées d’une intense foi… en l’Humanité.
À la Moderne Galerie du Saarlandmuseum (Sarrebruck) jusqu’au 13 avril 2025