Scènes d’automne : Youssouf Abi-ayad raconte des Histoires de géants
Scènes d’automne en Alsace s’ouvre avec Youssouf Abi-ayad et ses Histoires de géants, recréation décalée explorant Gargantua et Pantagruel de Rabelais.
Après une première version créée pour leur Festival Itinérant en plein air, en 2021, puis une adaptation en salle, deux ans plus tard, Youssouf Abi-ayad et sa troupe Les Ombres des soirs recréent Histoires de géants pour la 12e édition des Scènes d’automne en Alsace. Avec ce nouveau projet, le directeur artistique de la compagnie souhaite dépasser la simple exposition des personnages : « Jusque-là, nous ne faisions que narrer l’histoire et porter la parole de Rabelais au plateau », explique-t-il. « À présent, on incarne les protagonistes et on redivise le spectacle, en suivant non seulement la vie de Pantagruel et sa découverte du monde, ce qui était déjà le cas avant, mais en nous concentrant aussi sur son père, Gargantua, et ses parents. » Sur scène, les cinq interprètes traversent les époques, débutant leur aventure au Moyen-Âge, dans une cour royale grotesque, avant de glisser au temps de la Renaissance, puis au Siècle des Lumières, en passant par la période expressionniste. « Nous nous inspirons d’un univers très clownesque, en reprenant les codes de la noblesse, tels que les grandes coiffes, les robes élisabéthaines et d’autres costumes historiques, que l’on déforme un peu comme le ferait un enfant, façon Père Ubu d’Alfred Jarry », continue-t-il. Cet environnement absurde évolue au rythme de compositions electro et instrumentales, mais aussi de tubes – L’Hiver de Vivaldi en tête. Le tout se déroule au gré de décors imposants, alternant entre atmosphères sombres ou parfaitement claires, jusqu’aux salons bourgeois fin XIXe / début XXe. Certains passages des cinq romans originaux sont par ailleurs réagencés, voire supprimés.
Dans le premier livre, Gargantua fait ainsi la connaissance de Picrochole, petit souverain ubuesque s’en prenant au royaume de son père. « Il n’a pas de pouvoir, il ressemble à un pauvre chihuahua qui s’attaque à un géant », sourit Youssouf Abi-ayad, avant de préciser le traitement scénique qui lui est infligé : « Rabelais le décrit déjà de façon grossière. Nous le ridiculisons donc en nous inspirant du personnage du Pingouin dans Batman, et de toutes ces figures terribles de vilains un peu loufoques, avec des pics sur les épaules. » Ce clin d’œil espiègle n’est pas le seul moment où l’équipe donne joyeusement corps à l’extravagance rabelaisienne. Durant l’épopée de Pantagruel, l’ogre rencontre la tribu des Andouilles, peuple qui ressemble, comme son nom l’indique, à des saucisses. « Ici, on s’amuse d’un chapitre poétique que l’on modifie légèrement, afin de faire participer le public à la bataille des Andouilles », ajoute le metteur en scène. La focalisation sur les voyages, les excès et la folie créatrice de l’auteur est d’ailleurs un parti pris assumé. Par conséquent, Youssouf Abi-ayad écarte en partie le troisième livre, consacré au mariage de Panurge, débauché aux propos sexistes et racistes. Quant au chapitre des paroles gelées, épisode du quatrième tome au cours duquel Pantagruel et son équipage, en route pour le pays des Lanternes, pénètrent dans un lieu où le froid congèle littéralement les paroles, le choix de le conserver n’est pas encore arrêté. Faisant se succéder une série de tableaux, tantôt animés d’effets stroboscopiques, de lumières éthérées ou de brouillard projeté, la compagnie imagine l’esthétique de la pièce en se demandant ce que ferait Rabelais s’il écrivait son œuvre, aujourd’hui. « De quoi s’inspirerait-il ? », insiste le directeur artistique. Dans cette optique, il hésite à intégrer une discussion fictive avec l’écrivain, sorte de narration en voix-off qui introduirait les premières scènes de la pièce.
La prog’ en un coup d’œil
De retour pour une douzième édition avec six spectacles, Scènes d’automne en Alsace (04-13/11, Comédie de Colmar, Espace 110 (Illzach), La Filature (Mulhouse), Créa (Kingersheim), La Coupole (Saint-Louis)) propose la pièce de théâtre musical Quatre mains, signée Jean Boillot. Voguant entre fiction et autobiographie, elle présente un trio d’interprètes revenant sur leur rencontre, sur les bancs du Conservatoire de Nice, et leur projet actuel de terminer la Fantaisie en fa mineur de Schubert (05/11, Espace 110). Dans Sa place est dans un musée, Aurélie Gandit s’aide quant à elle de la danse pour donner vie à une quinzaine d’œuvres picturales (05 & 06/11, La Filature, voir Poly n°272 ou sur poly.fr). Avec Battre le ciel, Anne-Laure Hagenmuller nous plonge dans l’histoire d’un couple et de leur fille malade, bloqués sur la scène d’un théâtre (06/11, La Coupole). Forcés de vivre quarante jours dans cet espace clos, ils profitent de leur avant-dernier jour de quarantaine pour donner une ultime représentation devant leur enfant. Émilie Wiest conte pour sa part La véritable histoire de la Reine des Neiges, d’après Andersen (10/11, Créa), et Romain Gneouchev dresse Une Chose vraie, récit poignant inspiré par Ysanis Padonou, comédienne atteinte d’une forme précoce d’Alzheimer (13/11, La Filature).
À la Comédie de Colmar du 4 au 6 novembre, puis à La Filature (Mulhouse) vendredi 8 et samedi 9 novembre et à La Coupole (Saint- Louis) mercredi 13 novembre
comedie-colmar.com