La prédation au cœur de Requin Velours de Gaëlle Axelbrun

Requin Velours © Alexandre Schlub

Dans Requin Velours, sa nouvelle création, Gaëlle Axelbrun aborde un sujet délicat : le viol, et le cheminement de reconstruction de la victime.

« Ce qu’on va raconter sera impudique. Pour se débarrasser de la honte, on ne peut pas faire autrement. » Voilà les mots avec lesquels débute la pièce de Gaëlle Axelbrun. Dans un environnement onirique teinté de nuances bleues, le personnage principal, Roxane – clin d’œil à la chanson éponyme de Police –, s’enfonce dans les profondeurs de l’océan. Elle y rencontre un requin, métaphore du prédateur qui a abusé d’elle, un soir d’été, en bord de mer. « La scène du viol n’est pas représentée sur le plateau », précise-t-elle. « Je trouve plus intéressant de se concentrer sur le parcours de réparation et la quête intérieure de la victime pour dépasser tout cela. » Naviguant entre fiction et autofiction, Requin Velours plonge le public dans les démarches judiciaires entreprises par l’héroïne, véritables déboires auprès d’un juge et d’un avocat qui, en définitive, ne mèneront à rien. Abandonnée par la justice, elle décide de prendre les choses en main et devient travailleuse du sexe. Rendre payant l’accès à son corps va-t-il permettre de la réparer ? En se transformant en prostituée, ne devient-elle pas aussi une sorte de prédatrice ? Combien de temps cela peut-il durer ? « Ce sont ces questions dont je veux traiter », explique la jeune femme.


Au centre d’un ring de boxe, représentation physique de l’espace mental dans lequel elle mène son combat, Roxane fait la connaissance de Joy et Kenza. Rencontrées peu après son agression, elles deviennent ses confidentes et l’aident à guérir, rejouant avec elle les événements du passé. Constamment présentes sur les planches, les trois filles explorent bien sûr le sujet de la prostitution, alternant des moments dansés inspirés du pole dance, notamment celui hard style. « Il s’agit de mouvements rapides, faits de sauts et d’équilibre. Nous tirons profit du ring pour grimper sur les cordes, mais nous n’utilisons toutefois pas de barre verticale », explique la metteuse en scène. Dans une volonté de rendre sa pièce minimaliste, Gaëlle Axelbrun envisage de réutiliser le plus possible les matériaux scéniques. Par exemple, les tapis de danse vont peut-être apparaître comme le lit d’une chambre d’hôtel. Les comédiennes, chaussant de hauts talons à plateforme transparents, les détournent aussi en gants de boxe, martelant avec détermination les tatamis au son de morceaux electro et techno particulièrement rythmés. « Je ne sais pas si ce passage sera gardé dans la version finale, mais il y a un moment où la texture electro cède la place à Mon père, je m’abandonne à toi, une prière écrite par Charles de Foucauld », poursuit-elle. « J’aime beaucoup cet aspect, car Roxane a reçu une éducation religieuse qui l’amène plus facilement à se soumettre aux hommes. Or, c’est précisément ce dont elle veut se défaire. »


Au Taps Laiterie (Strasbourg) du 8 au 12 octobre

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