Julia Vidit se demande Pour quoi faire ?

© Anna Gayan

Vaut-il mieux passer sa vie à courir ou ralentir le rythme ? Au fond, Pour quoi faire ? Julia Vidit se penche sur la question avec humour.

« Cela fait un moment que je veux travailler sur la problématique du temps », confie Julia Vidit, directrice du Théâtre de la Manufacture. Si, en 2019, elle invite l’autrice Marilyn Mattei à se pencher sur le texte, l’arrivée de la Covid et du premier confinement chamboulent le programme. Une fois qu’elles en sortent, les deux femmes vont à la rencontre d’habitants de la commune de Pagny-sur-Moselle, entre Metz et Nancy. « Nous avons eu des entretiens assez longs », se souvient-elle. « Interroger les gens sur le temps revient assez vite à les questionner sur leur rapport à la mort, à la disparition. Les témoignages d’adolescents ont aussi été très intéressants. » Et de poursuivre : « Pendant cette période, ils ont vécu dans une sorte de huis-clos avec leurs parents. Avoir cours sur des écrans a remis en question le fait même d’aller apprendre, de sortir de chez soi et de se construire. » De ces échanges naît une comédie grinçante prenant pour objet d’étude la cellule familiale. Un père, une mère et leur fils font face à un événement hors du commun : une heure disparaît des horloges. Si certains y voient un grain de sable insignifiant, la mécanique de leur fonctionnement quotidien ne tarde toutefois pas à se détériorer. « Chacun réagit à sa façon : le garçon, qui n’est pas présent sur scène, s’extrait de tout cela en s’enfermant dans sa chambre », explique Julia Vidit. « Comme un hikikomori japonais, il vit cloîtré six mois, puis une semaine de plus et, finalement, une année entière. » Marilyn Mattei y apporte un point de vue occidental, se demandant ce qu’il adviendrait si la jeunesse décidait de se retirer de la marche du monde.

Les parents se réfugient quant à eux sur un canapé trois places, territoire familial à présent déséquilibré. Avec une personne en moins, rien ne va plus ! Une sensation que le décor penché tend à souligner, montrant visuellement que les choses ne sont plus totalement droites. « Il devient difficile de garder les pieds sur terre », résume la metteuse en scène et comédienne. À cela s’ajoute un traitement particulier de ce bruit de tic-tac si caractéristique, allant tantôt en accélérant, tantôt en ralentissant. Comme un contrepied à l’enfermement de la famille dans cette roue de hamster, une livreuse Uber Eats fait tous les jours le trajet pour livrer l’ado rebelle. « En comparaison, et à l’inverse totale du garçon, cette fille court après le temps. Le père et la mère finissent par entrer en relation avec elle, puisqu’elle devient la seule personne à pouvoir le côtoyer. » La jeune femme ne se fatigue pourtant pas à pédaler autant sans raison. « Trouve-t-on un sens à notre existence, ou pas ? C’est la grande question. Mais elle ne le révèlera pas avant la fin de la pièce. »

Au Théâtre de la Manufacture (Nancy) du 1er au 3 octobre
theatre-manufacture.fr

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