Then and There, Here and Now arpente l’œuvre de Richard McGuire, auteur américain explorant les rapports entre espace et temps.
Fauve d’or au Festival d’Angoulême 2016, Ici (Gallimard, 2015) fit connaître Richard McGuire au large public européen. Une salle de l’exposition monographique dédiée à l’auteur américain, né en 1957, est consacrée à ce roman graphique hallucinant, montrant notamment des planches originales de sa matrice, une histoire de six pages en noir et blanc parue en 1989, dans RAW, qui s’inspire des différentes fenêtres jaillissant sur un écran d’ordinateur. Il y narre l’histoire d’un lieu : l’angle du salon d’une maison lambda de Perth Amboy (New Jersey), où il a grandi, depuis l’apparition de la vie sur Terre jusqu’à un futur lointain. Les temporalités s’entrechoquent, les fragments d’histoires se superposent, illustrant le passage du temps dans un récit s’affranchissant de toute linéarité, qui rappelle parfois certains passages des Ailes du Désir de Wim Wenders. Il sera du reste adapté à l’écran cet automne par Robert Zemeckis, avec Tom Hanks et Robin Wright.
Au fil d’un parcours d’essence chronologique, se découvre la trajectoire d’un artiste multidisciplinaire qui débuta, à la toute fin des seventies, au cœur de l’underground new-yorkais, entre musique expérimentale – avec la création de Liquid Idiot, qui devient Liquid Liquid en 1981, groupe culte au groove puissant – et pochoirs collés aux quatre coins de Big Apple. Y apparaît Ixnae Nix, diaphane silhouette noire se détachant, fantomatique, sur papier de récup’, assortie de slogans comme « Faster and more wildly » (« Plus rapide et plus sauvage »). « Ce que je faisais alors n’était pas du graffiti, mais constituait une réaction au graffiti. Chaque image est en quelque sorte un épisode d’une série », explique Richard McGuire. Dès cette époque, se déploie sa grammaire stylistique, entre musicalité des formes, simplicité revendiquée tendant vers le minimalisme et expérimentations constantes. C’est ce triptyque, s’adaptant à chaque projet, que l’on retrouve au fil des salles, d’iconiques couvertures du New Yorker (comme Noise New York, symphonie assourdissante de la grande ville composée en 2019) à de fascinants livres pour enfants. Parmi eux, figure Orange book (Albin Michel, 2011) décrivant la destinée de quatorze fruits cueillis sur le même arbre. On craque pour l’ultime salle intégralement dédiée à des variations graphiques autour de Popeye et Olive, silhouettes bleues et rouges réconciliant abstraction et figuration, qui viennent questionner deux icônes du 9e art ramenées à leurs attributs essentiels.
Au Cartoonmuseum Basel – Centre pour l’Art narratif (Bâle) jusqu’au 3 novembre
cartoonmuseum.ch – richard-mcguire.com
> Visites en français 07/07, 15/09 & 13/10 (14h)
Paru chez Gallimard BD (29 €)
gallimard-bd.fr