En Alsace, sous la houlette de Philippe, qui prône « un retour à la paysannerie », le domaine Brand & Fils s’est tourné vers le vin nature.
Reprenant en 2015 un jeune domaine d’une dizaine d’hectares relativement homogène (avec des sols argilo-calcaires), créé en 1956, et succédant à son père Charles Brand – une des figures du vignoble alsacien, fondateur de la Tribu des Gourmets –, Philippe décide d’aller plus loin. Et de résumer son credo d’une phrase : « Pour moi, l’humain est au centre des choses, pas la machine, ni la rentabilité. » Passage à la biodynamie, vins nature – « Le soufre tue la vie dans le vin » – et modus operandi ancestraux (traction animale, etc.) : « On reproduit des méthodes de vinification vieilles de 8 000 ans. Le retour vers le passé n’a jamais été aussi moderne », résume celui qui se place dans la lignée des “quatre fantastiques” – Jean-Pierre Frick, Bruno Schueller, Patrick Meyer et Christian Binner –, qui ont révolutionné le paysage local, version nature. À 43 ans, il a décidé de « [s]e calmer un peu » après avoir beaucoup expérimenté depuis le mitan des années 2000. Il avait alors commencé à aider son père, une fois diplômé de la Faculté de Géologie de Strasbourg et titulaire d’un BTS Viticulture- Œnologie à Rouffach : « Il a fallu que je désapprenne tout ce que j’avais appris là-bas », s’amuse-t-il.
En avance, Philippe Brand fut « un des premiers à vinifier en amphore en Alsace, avec Laurent Bannwarth ». Dans la région, il a aussi été un pionnier pour les blancs de macération ou encore en créant une solera, système d’élevage permettant un assemblage entre des vins d’années différentes. « On ne peut pas mieux faire pour représenter le domaine. Une telle méthode écrase l’effet millésime, écrase la notion de cépage, puisque plusieurs sont assemblés. Ne reste que le terroir et sa complexité aromatique. » Et Charles Brand de compléter : « C’est la variété des terroirs qui fait la force de l’Alsace. L’avenir est là… » Et ailleurs aussi, puisque depuis quelques années, son fils a créé Brand & CO, « le vin des copains. Je vais chercher des raisins chez des potes, en Ardèche, dans le Beaujolais… et les vinifie ici. Ça me permet d’expérimenter, de m’amuser aussi. » Le résultat ? Des bouteilles comme La Châtelaine (80% merlot, 10% malbec et 10% cabernet franc), extatique échappée belle en terres bordelaises. Parmi les quilles alsaciennes, on craque pour La Table des Rois, pinot noir faisant rougeoyer de bonheur, entre prégnantes réminiscences de fruits rouges et puissance sensuelle. Et de penser aux célèbres vers d’Apollinaire, poète si cher à Charles et Philippe qu’ils ont de ses calligrammes orné leurs bouteilles : « Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent / Tout l’or des nuits tombe en tremblant s’y refléter / La voix chante toujours à en râle-mourir / Ces fées aux cheveux verts qui incantent l’été. »
Brand & Fils
13 rue de Wolxheim (Ergersheim)
domainebrand.fr
