Mondrian est à l’honneur avec Re-Inventing Piet.
Re-Inventing Piet. explore avec maestria la postérité de Mondrian en partant des œuvres de l’artiste néerlandais et de ses contemporains.
Un 33 tours de Johnny Cash, deux coussins, trois mugs, une trousse… une étagère rassemble, à l’entrée de l’exposition, des objets hétéroclites reprenant les motifs reconnaissables au premier regard des toiles de Piet Mondrian, illustrant leur appropriation par les canons du consumérisme. Après ce clin d’œil, le parcours débute par une plongée dans le néo-plasticisme qui se développe à partir de la revue De Stijl, fondée en 1917 par Theo van Doesburg. Se déploient des huiles emblématiques de Mondrian – géniale Composition avec rouge, noir, bleu et jaune de 1928, où l’harmonie naît d’un subtil jeu d’équilibres / déséquilibres – et de ses contemporains, à l’image de Bart van der Leck. Il métamorphose des motifs figuratifs en abstraction géométrique dans un processus de décomposition-désintégration, comme en témoigne le titre additionnel, Paysage de montagne, ajouté à sa Composition n°7 (1917). Dans ces espaces, se découvrent Marlow Moss – inventrice de la ligne double en 1930, premier écart à la grille traditionnelle du mouvement – ou Gerrit Rietveld dont la magnifique chaise avant-gardiste illustre un credo commun : la volonté de synthétiser tous les arts.
Dans une seconde partie est explorée la postérité de l’œuvre de Mondrian, de la mode (après l’iconique robe YSL de 1965, d’autres se sont emparés des célèbres motifs, de Claude Montana à la chaîne HEMA) à certains contemporains qui ont repensé les principes du néoplasticisme, rassemblés dans (Re-) Construction. Pensons à Joachim Grommek, maître du trompe-l’œil qui questionne l’Histoire de l’Art (Tilt II, 2005) ou Mathieu Mercier. Dans Still Untitled (1999), il bricole un Mondrian avec une plaque de contreplaqué cradingue et du ruban adhésif noir, créant une pièce hybride : si les arides équilibres sont bien présents, ils subissent une sacrée déviation à cause de – ou grâce à – ce désordre latent. Allant plus loin, la section intitulée Dissolution présente des artistes métamorphosant l’harmonie en chaos, comme Dennis Oppenheim qui transforme les éléments formels en boule informe de métal et de verre – Woven Explosion (Mondrian under Pressure), 1983 – ou Iván Argote qui, dans une courte vidéo, bombe d’une ligne noire deux tableaux de Piet Mondrian (protégés par du plexiglas) du Centre Pompidou (Retouche, 2008). Une autre salle regroupe des réalisations subversives, pointant un certain dogmatisme à l’image de Luftwaffe – After Mondrian (1976) de Ian Hamilton Finlay, qui insère la Balkenkreuz présente sur le fuselage des avions nazis dans la grammaire stylistique d’un peintre jugé dégénéré pendant le IIIe Reich. Avec Drug (Remix), immense toile de 2008, Georg Baselitz crée, pour sa part, une glaçante symbiose entre les lignes noires d’un svastika et des espaces colorés bleus, rouges et jaunes…
Au Wilhelm-Hack Museum (Ludwigshafen am Rhein) jusqu’au 21 janvier 2024
wilhelmhack.museum