Museum Frieder Burda : Le Roi est mort, longue vie à la reine

Leiko Ikemura, Usagi Greeting, 2021. Courtesy Ikemura Foundation © Leiko Ikemura et VG Bild-Kunst, Bonn 2023.

Au Museum Frieder Burda, Le Roi est mort, longue vie à la reine est une variation polyphonique sur la création contemporaine au féminin.

Une immense sculpture de Leiko Ikemura posée devant le musée accueille le visiteur : avec cette créature protectrice, à la fois lapine et humaine, Usagi Greeting (2021) est une réponse à la catastrophe de Fukushima. Cette image de la féminité donne le ton d’une exposition pensée comme un écho contemporain à celle organisée par Peggy Guggenheim, en 1943, dans sa galerie new-yorkaise. Avantgardiste, Exhibition by 31 Women, qui regroupait des propositions féminines, fut boudée par une critique hautaine transpirant la misogynie. Quatre-vingt ans plus tard, ces réactions réactionnaires n’étant plus de mise, c’est de manière apaisée que peut se déployer un parcours d’une grande intensité, imaginé par le directeur artistique de l’institution, Udo Kittelmann. Témoignant des métamorphoses de nos sociétés, 31 femmes sont ici rassemblées avec pour porte-étendard O.T. (Superman), sculpture textile de 2011 signée Patricia Waller. Le héros s’est fracassé dans le mur. Du sang coule. La Chilienne ironise ici sur l’image stéréotypée de la masculinité. Dans les photographies eighties de travailleuses de la VEB1 Treffmodelle de Berlin, Helga Paris bat un autre cliché en brèche, se colletant avec la vision de la RDA imposée par l’Ouest après la chute du Mur. Refusant néanmoins la propagande idéalisatrice, elle dresse un portrait humaniste et sensible de ces ouvrières venant interroger, à l’instar du récent Beyond the Wall2, l’image d’un pays rayé de la carte.

Museum Frieder Burda

Museum Frieder Burda : Lin May Saeed, The Liberation of Animals from their Cages XVIII / Olifant Gate, 2016.
Courtesy Jacky Strenz, Francfortsur-le-Main.

Tout aussi politique est une pièce de la série The Liberation of Animals from their Cage (2016). Jouant avec une grille d’acier, Lin May Saeed a sculpté un eco-warrior encagoulé, coupant les chaînes d’un éléphant emprisonné dans un quelconque zoo. C’est d’une autre libération qu’il est question dans Wohnzimmer III (1968) : dans ce triptyque d’Almut Heise se découvre un salon typique de la RFA des sixties. Tapis aux lignes abstraites, téléviseur sur son meuble à roulettes, vue sur un immeuble moderno-déprimant et femme devenue plante arrosant les plantes vertes en stilettos. Nous voilà en plein middle-class blues. Drôles, tranchantes, transgressives… Les œuvres présentées forment une passionnante sélection, dont The Needle and the Larynx (2016) est sans doute l’acmé. Dans cette vidéo d’une quinzaine de minutes, Marianna Simnett se fait injecter du Botox dans le muscle crico-thyroïdien afin d’avoir un timbre plus grave. Une bande sonore entremêle désirs d’une femme, violoncelle – l’instrument le plus proche de la voix humaine – et pop mélancolique. L’ensemble est glaçant et forme une critique perforante de la quête de perfection esthétique qui mène certains à faire n’importe quoi avec leur corps.


Au Museum Frieder Burda (Baden-Baden) jusqu’au 8 octobre
museum-frieder-burda.de

1 Volkseigener Betrieb ou entreprise poss.d.e par le peuple

2 Livre de Katja Hoyer, historienne au King’s College de Londres proposant une nouvelle histoire de la RDA, paru en avril 2023 (chez Allen Lane). Il a suscité une large controverse outre-Rhin.

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