Rusalka en son époque
En clôture de sa saison, l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole propose une exquise Rusalka mise en scène par Paul- Émile Fourny qui nous transporte dans un début de XXe siècle onirique.
Plus de cent ans après sa création, en 1901, c’est la première fois que l’opéra de Dvořák est présenté à l’Opéra-Théâtre de Metz. Un petit événement que le directeur de la maison, Paul-Émile Fourny, est visiblement heureux de mettre en scène. « Si on s’en tient aux didascalies, il est nécessaire de représenter une forêt, un étang… Pour ma part, j’ai souhaité sortir de cet univers vu mille fois. J’ai découvert un jour un bâtiment étonnant, qui m’a immédiatement évoqué La petite sirène. Sur les bords de la Mer noire en Roumanie, le Casino de Constanța a été abandonné pendant des années, même s’il est en cours de rénovation. Tout semble figé dans le temps, en 1900. Cette époque charnière avec ses multiples inventions merveilleuses, qui comporte déjà en germe toute la barbarie du siècle est absolument fascinante » nous confiait-il pendant les répétitions. Et le pari qu’il a pris se révèle gagnant.
Sur un plateau minimaliste est installée une maquette de belle taille de l’édifice : au premier acte, il incarne l’inaccessible palais du Prince sur lequel la nymphe projette son amour, tandis qu’il se métamorphose en tombeau au troisième, étant bien entendu que l’action se déploie à l’intérieur du bâtiment Art nouveau au deuxième. Le rêve et la réalité se mêlent ici d’indissoluble et poétique manière. En reliant toute la charge narrative au lieu, le metteur en scène permet aux spectateurs de se concentrer sur les enjeux essentiels de la partition, entre amours impossibles er réflexion sur la différence. Sur ce plateau presque nu, parfois envahi par des flots – réalisés grâce à de jolies projections vidéo – les personnages s’ébattent dans des costumes signés Giovanna Fiorentini, dont il faut souligner la beauté : des écailles faites de paillettes luminescentes habillent les êtres aquatiques, tandis que les humains semblent sortis de La Marche de Radetzky de Joseph Roth. Tout cela est d’une élégance de bon aloi, porté par un Orchestre national de Metz Grand Est exprimant en toute finesse les chatoiements d’une partition envoûtante, intensément romantique. À la baguette, Kaspar Zehnder mène son monde avec une rigueur et une finesse exemplaires.
Épousant une identique excellence, le plateau vocal est d’un haut niveau, le chœur au premier chef. On a craqué pour Yana Kleyn – qui nous avait déjà séduit en Mimi dans La Bohème de Puccini ici-même, en 2017 – soprano à l’ample tessiture et à la présence intense à la scène : ses aigus sont délicieux, les nuances qu’elle arpente à la perfection également. Nous fûmes sous le charme, tout comme devant la prestation d’Irina Stopina, Princesse étrangère incandescente, et celle d’Emanuela Pascu dont l’incarnation de Jezibaba est d’une grande finesse avec son timbre d’une belle profondeur. Face à ce trio féminin, Milen Bozhov incarne un Prince chic et choc aux aigus puissants, tandis que la puissance de la basse Insung Sim va comme un gant à un Vodnik qui s’impose comme une figure paternelle à la fois sévère et protectrice.
À l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, mardi 6 et jeudi 8 juin à 20h
opera.metzmetropole.fr