Épices & Love
Présidée par Isabelle Haeberlin, Épices a pour but de promouvoir l’éducation nutritionnelle et l’insertion sociale. L’association, dont le credo peut se définir par le slogan « faire et goûter », vient d’ouvrir son école de cuisine à Mulhouse. Visite.
À quelques encablures de la Tour de l’Europe, à côté d’un mythique magasin de modélisme ferroviaire mulhousien, l’association Épices a installé son école de cuisine dans un espace clair, fonctionnel et élégant de quelque 200 m2. C’est un jour comme un autre et le vaste local bruisse de multiples voix : d’un côté, des enseignants en charge de Classes du goût (dont l’objectif est de développer le sens du goût et de verbaliser les sensations gustatives) sont en formation tandis que, de l’autre, des ados en Segpa (Section d’enseignement général et professionnel adapté) au Collège Kennedy confectionnent une tarte aux pommes après avoir cueilli les fruits dans un verger le matin même, puisqu’il est bien entendu que l’histoire d’un plat commence au jardin.
L’engagement d’Isabelle Haeberlin, femme du chef de la prestigieuse Auberge de l’Ill à Illhaeusern (triplement étoilée au Michelin) dans Épices remonte à 2009. Cette année-là, elle décide de fonder une association dont l’acronyme signifie Espace de Projets d’Insertion, Cuisine et Santé. Sa philosophie? « La cuisine est un moyen fantastique de relier les gens. En créant Épices, nous avons voulu imaginer un lieu d’échange, d’apprentissage et de partage où la transmission entre les générations est centrale ». Les premières expériences se déroulent à Colmar ou Mulhouse, « dans des cuisines mises à disposition par les villes dans certains centres sociaux culturels ou dans celles des Segpa, mais aussi dans celles de l’Auberge que nous avons très rapidement “squattées” les jours de fermeture, les lundis et mardis. Il fallait inventer par manque de moyens ». Très vite l’idée est venue d’installer une école pérenne sur un site unique, même si le maillage du territoire se poursuit, aujourd’hui encore, en parallèle, avec des sessions “nomades”. Inaugurée début octobre, elle a vu le jour grâce à un partenariat avec l’Éducation nationale, la Ville de Mulhouse et le Ministère de l’Agriculture. L’association a su fédérer bien des énergies pour porter haut l’étendard de la qualité et une volonté localiste dans le choix des produits. Ce n’est donc pas un hasard si Épices est soutenue par l’Association française des maîtres restaurateurs dont certains membres interviennent – bénévolement – à Mulhouse. Histoire de rappeler que l’alimentation industrielle et les “sachets” ont fait bien du mal à une profession…
Si l’aventure a débuté avec les plus petits, un public naturel pour Isabelle Haeberlin, directrice de l’école Maternelle Les Pâquerettes de Colmar, elle s’adresse aujourd’hui à tous : adolescents, adultes (et les mamans y ont une place centrale), aînés… Au cœur du projet, la transmission est essentielle : « Les adolescents que vous voyez vont également partager ce qu’ils ont appris avec des plus jeunes dans le cadre de “tutorats du goût”. C’est un processus en cascade » explique Muriel Santin, enseignante au Collège Kennedy. « Ce sont des histoires qui s’échangent, des destinées qui se croisent. L’important est que les gens se sentent bien ici, c’est pourquoi nous ne formalisons pas les choses. Tout se passe de manière naturelle, dans le respect de l’autre, sans jamais donner de leçon ex cathedra » affirme Isabelle. Autour de nous, l’atmosphère est à la fois studieuse et détendue : la professeure est dégagée de tout lien d’autorité sur ses élèves « et cela fonctionne parfaitement » conclut-elle. Aujourd’hui, c’est Stéphanie Weill (détachée de la Ville de Mulhouse) qui coache un petit groupe occupé à préparer une pâte avec un matériel top niveau, un robot KitchenAid : « Nous sommes en dehors du contexte scolaire et nous avons voulu créer un cadre d’excellence. C’est indispensable pour que chacun se sente valorisé. Personne n’aurait été dupe si nous avions pris du deuxième choix. » Apprendre à confectionner un gâteau, découvrir le goût d’une quetsche, composer un petit déjeuner équilibré, créer un nouveau rapport à la nourriture, faire découvrir les potentialités de la restauration afin, pourquoi pas, de générer des vocations, trouver les mots pour nommer les légumes ou les sensations… Les actions menées au sein d’Épices sont aussi variées que les publics auxquels s’adresse l’association. La réussite du projet ? Elle se lit dans les yeux et sur le sourire de Sermina, Morgane et de tous leurs copains et copines qui, ce jour-là, préparèrent une tarte d’anthologie…