Bas les masques
En ouverture du projet Dance Trip de Triptic[1. Échanges culturels dans le Rhin Supérieur qui mettent l’accent sur des coopérations transfrontalières entre l’Alsace, le Territoire de Belfort, le Bade-Wurtemberg et la Suisse – www.triptic-culture.net], Yasmeen Godder crée Ghost exercise. Un duo mêlant questionnements identitaires et recherche d’altérité dans un miroir sans visage.
Née à Jérusalem il y a 40 ans et ayant grandi entre son pays et New York, la chorégraphe Yasmeen Godder est devenue l’une des chefs de file de la nouvelle danse israélienne. Expressives et parfois excessives, ses propositions artistiques sont hantées par l’appartenance et l’identité, sujets qui émergent des répétitions sur le plateau du Theater Freiburg à quelques jours de la première de Ghost Exercise. Deux danseuses aux visages totalement recouverts de fichus bariolés de couleurs se confrontent à une présence impalpable, rodant dans l’air. Une simple chaise de jardin en plastique, ramenée du studio de l’artiste à Jaffa, « sert de support de transmission d’une certaine terreur de l’une à l’autre. Un clin d’œil aux clichés des objets bougeant tous seuls dans les histoires de fantômes », glisse Yasmeen. Au départ, un troisième personnage prenait vie sur scène : Sarah, spectre hanté par un événement violent de son passé. Elle a lentement disparu au profit de questionnements existentiels sur la présence physique, les diverses personnalités composant un être ou habitant un corps… Autant de fantômes possibles et de facettes de soi à rechercher pour les interprètes, avec l’aide du dramaturge Itzik Giuli, passionné par « cette idée qu’il y a toujours une part d’inconnu chez autrui, sur lequel nous projetons continuellement nos propres fantômes. »
L’étrangeté des personnages naît d’un jeu de faux semblants dans un corps à corps oscillant entre découverte à l’aveugle toute en sensualité et amour des feintes déstabilisantes, provocant la part animale de l’homme dans sa peur de l’inconnu. Les spasmes et tremblements d’Amit répondent aux bruits des “piétinements” de la chaise manipulée comme une bestiole par Monica. Alors qu’habituellement Yasmeen Godder travaille intensément l’expressivité des visages, elle les masque comme les corps dont on ne distingue que les doigts derrière un amas de tissus. « Les recouvrir change tout », confie-t-elle. « Cela devient un challenge poussant la créativité de notre langage chorégraphique habituel, entraînant l’invention d’autres manières de se donner à voir, comme d’être vu. » Évoluant devant un fond de scène fait d’une matière ultra réflective qui prend l’aspect d’une lame d’argent ou d’or selon l’éclairage, le duo de danseuses tente de s’apprivoiser dans ce qu’Itzik Giuli appelle « un voyage dans l’assimilation, l’acceptation de l’autre – comme de soi-même – dans toutes ses facettes, afin d’accéder à ce degré supérieur de conscience qui leur ferait atteindre le grandiose du rideau lumineux. »
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